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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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8 juin 2016

Le feu sous la peau

petit0745487001345482308Toujours des mailles et des boucles fripées dans les cicatrices du temps. Nos souffles figés demeurent dans l’histoire abandonnée aux jours sans fin. Tout ce qui revient toucher la tendresse aux frises d’un baiser raconte un frisson oublié.  

 

Brusquement, la prise de conscience de l’assouvissement affectif disproportionne la souffrance qu’elle a engendrée. Le silence connaîtrait-il la satiété incommensurable de l’insurrection des cœurs ? Je ressuscite à chaque battement de paupière.

 

Pour écrire, j’utilise les accidents de l’amour et toutes les faux mal aiguisées que j’ai conservées dans mes placards à sensations.

 

Je ne sais écrire qu’avec de la craie. Tous les mots sont friables de leur nécessité à ravitailler un sentiment. Rien n’est plus fragile qu’une lance enfoncée dans la neige. Quelques gouttes de sang séché sur une ardoise me rappellent le difficile combat entre la raison et l’émotion ressenties dans le froid. Le bruit de l’éclatement des phrases qui s’empilent dans ma tête me laisse supposer l’eau pantelante dans les mouvements de désarroi que je ressens. Je suis amputé du présent lorsque je le réfléchis et je me cogne à l’air lorsque je deviens le souffle de mes sens. 

 

On ne se bat pas contre l’aliénation du cœur et la servitude morale qui l’accompagne. On s’évertue à disposer de soi-même là où nous ne sommes pas plus qu’une manifestation de désarroi. 

 

L’urinoir de la pensée dans lequel je pisse mes rêves comme du sable blanc m’est encore d’un grand secours. Son parfum âcre me rappelle la réalité que je n’ai su organiser en ma faveur. C’est dans la solitude que je suis le mieux, seul lieu propice où mon ego n’a pas besoin de confrontation pour délivrer sa purée détergente. 

 

Il faut sans doute éprouver toute la démesure qui flotte dans l’air avant de le respirer. Il faut aborder toute l’étendue qui nous fait face avec l’esprit vagabond et ramener la poitrine de l’heure blessée sur un lit plus douillet.

 

Mais avoir conscience des faits ne leur attribue pas toujours les facultés nécessaires. L’horizon qui nous poursuit a mis le feu à nos rétines et à nos paupières. Et même fermées, elles laissent transparaître des jets de laves bouillonnantes. 

 

Combien d’entre-nous se volatilisent dans une servitude morale volontaire ? Nous avons quitté l’humeur rageuse de nos sangs réunis. Je n’ambitionne plus le bonheur que semblent éprouver les autres. Dévoré par la passion explosive, je l’ai été. J’en suis mort ou presque. Je suis revenu de la tempête, et à présent, ton sang est un lac où se reflètent les traits de ton visage au repos. Je me suis tissé aux berges mastiquées de soleil où parfois, encore, quelques vaguelettes viennent mourir dans un dernier élan. Le vent des ombres n’arrache plus de mes poumons la joie qui n’a su s’extirper. Je vais comme je viens, je déroule mes fibres d’existence comme une bobine de lin se déploie sur un champ de chardons.    

 

Chaque situation est isolée d’une autre. L’amour est trop souvent ce précipice dans lequel chacun de nous vomit ce qui lui est insupportable. Bizarrement, l’amour-propre nécessite moins de conflits culpabilisants. Chaque matin, une aube nouvelle retentit à la lumière. Il nous arrive, parfois, d’y voir clair à l’intérieur de notre chair et il nous faut avoir de la force pour deux, tant nous sommes enchevêtrés à l’autre. 

 

Le passé fait ses comptes. Des malles entières jonchent à mes pieds. Je n’emporterai que la légèreté des anses. Le souvenir fait trop de bruit. Je n’arrive plus à transporter toute cette musique encombrante. C’était moi, c’était toi ; ce n’est plus que poussière suspendue sur un raie de lumière.

 

Assez de vaines douleurs et d’acrimonies revanchardes ! Je ne souhaite plus arranger les fracas désordonnés qui m’affligent, je veux seulement couler comme une pluie fine les matins d’automne.

 

Le vide m’est devenu précieux. Il abonde des sueurs cachées que l’humilité avait perdues avec l’ardeur de déboiser les chemins parcourus. Il est inutile de reconstruire le monde à la hauteur de son cœur. Je prends le temps de respirer. L’éloquence de l’air n’est plus tapageuse, elle m’apprend à mourir d’un espace à un autre.

 

A l’aube rougie, malgré tous les bonheurs de l’existence réunis en une seule botte, ma solitude prolonge le désoeuvrement qu’aura connu ma soif tout au long de l’apprentissage à devenir soi. 

 

Le feu sous la peau commence par une étincelle. Un foyer de tendresse éclaircit l’air tenu en échec au-dessus du vent. L’amour a deux mains et autant de futur que de désirs sarclant la nuit. Nos courbes muettes dévisagent la rondeur des vagues ondulant sur le champ de blé où nous avons joué à cache-cache.

 

Rien ne bouge et pourtant tout est vivant. Ta présence imperceptible fraude le temps qui se compte au millimètre. L’heure que l’on croit construire est la plus rapide de toutes. Ton visage à demi effacé berne la mémoire. Ton fantôme ressuscité accomplit des gestes anonymes. Dehors, le cri du loup aveugle la nuit.  

 

Nos cœurs nettoient la transparence. Nos murmures se confondent à la chanson d’eau tiède ramenée sur nos langues. Nos sources ruissellent sous la terre en balbutiant des rappels mélancoliques, des bribes incurvées à la richesse du sol. 

 

Il existe une tendresse qui nous réconcilie avec ce que nous avons laissé hors de nous, un torrent où notre argile a trempé. Tu flânes sur la rosée fragile du matin et, pour toi, j’ai déchaussé la lune. Nous marchons pieds nus sur des traces invisibles. Le roulement des crécelles de nos vieux os retentit comme des volets claquant sous le vent. Notre bruit refoulé est plaqué sur le mur blanc. 

 

Nous sommes nés dans la crèche de nos sanglots, entre l’agneau orphelin et l’âne solitaire. Ce qui s’inscrit dans la paume de nos mains, c’est le poids de nos esprits, le satellite de la raison et de la sensation partagée.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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Commentaires
L
Merci, Auria, pour ta lecture et ton commentaire.
A
"Le feu sous la peau commence par une étincelle."<br /> <br /> Tout est dit.<br /> <br /> Toujours autant de plaisir à lire et à faire connaître ces textes.
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