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Bruno ODILE
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10 juin 2016

Derrière les rideaux flasques du désir.

5_20le_20nuUne miette d’aube dérive sur le coin de mes yeux et je flotte sur l’écume que le vent emporte. Je n’ai plus peur de la mort, je ne redoute plus la marée où se noient les marches anciennes. Les nuits d’éclipse totale, j’irai manger sur les ressacs silencieux dormant dans la chair des vagues. J’irai désinfecter l’amour de ses transes fiévreuses et je viendrai me ressourcer dans le puits où meuglent les rumeurs de fin du monde. Derrière la plage, des grains de sable se lavent sous les étoiles et mon cœur craque comme une digue rompue par trop de tempête. Ecrire, c’est s’acquitter d’un nécessaire devoir de communication. Ecrire, c’est mettre du corps dans la pensée pour traduire une part du silence. D’ailleurs, je n’écris plus pour raconter mais pour déficeler la lagune d’ombres restée coincée dans mes alpages. 

 

Mitraille ferreuse au bout des doigts, catapulte des décombres d’une vie cerclée dans l’épuisement. Le vide de ton corps est un vide ouvert. L’arrêt de ton cœur n’a rien enlevé à la chamade des voix fantômes qui recouvrent les pierres. Sur le marbre terni par le temps, l’inscription suivante : « ci-gît le repos éternel » est une entourloupe. Le repos ne se repentit pas. Il n’existe pas. Vois combien tout s’agite à l’intérieur de nos vergers tendres. Les pommes et les fleurs se chahutent. Je manque de toi et l’air, en dentelles si minces, laboure durement l’ombre que tu n’habites plus. Ton regard n’est plus là pour que je m’y accroche. La paix n’a plus de visage. Il faudrait renommer la vie, la mort, la terre et l’amour. Le silence se gèle. Toute la nuit devine le jour comme toute la vie discerne les autres sphères de l’invisible. L’odeur de la pierre sèche rappelle celui de la terre qui respire après l’orage. Il y a encore toutes ces ornières qui poussent dans le reflet des lumières comme des clous pointus déchirant la blancheur. Et puis, une autre forme d’autisme suinte du poème d’amour vidé de ses mots. Le cri n’est plus efficace. Tes os s’aèrent et moi j’étouffe.  

 

Rappelle-moi où est le commencement car j’ai perdu sa trace. Mes foulées sont des réflexes. Ma vie éclaboussée est dans le face-à-face de sa condition d’effacement. Je fuis le manque dans le manque. Mon ombre ne couvre plus ton ombre. Ta mort cache la même chose que ta vie. Dis-moi où je suis ? Parmi les braises étendues pêle-mêle, j’observe la lueur fugitive qui caracole aux pointes de l’horizon. L’amour n’est pas fini, son écriture est une boucle du cœur s’accomplissant d’un trait souple. Tout ce qui a été perdu rebondit nulle part et éclabousse partout. A la sauvette, la transparence des sourires nous renvoie une clarté nue et nos rétines chantent comme un verre de cristal sur lequel on dépose un doigt tournoyant et humide. 

 

L’isoloir du silence est trafiqué par la culture du non-dit. Derrière les rideaux flasques du désir, l’attente sculpte des refrains où viennent mourir des baisers de soufre. La retenue crache ses plus belles sentences lorsqu’elle gouverne nos contacts, peau à peau, avec le silence. Une lumière dans la chair se tait si fortement que la nuit rayonne comme une opaline intouchable. 

 

Nos cous et nos gorges suspendues à deux erses attendent le décrochage. L’immobilité plantée sur le mot, un souffle humide traverse la pensée entre la crête d’un arbre et le vol d’hirondelles. Toute une poésie se damne en rompant les amarres. Une musique ancienne s’enfuit dans les craquelures du monde. D’un tourment, je fais une façade ; d’une croche, je voile les bandes sonores ; d’un soupir, mon désir s’affranchit de lui-même.

 

Je voudrais combler la fente par laquelle je te vois. Je voudrais piocher à d’autres roches, à d’autres magmas et à d’autres glaises pures. Je voudrais mordre aux fossiles de ton cœur et gicler dans l’air comme une poussière éparpillée sur l’herbe verte.

 

Chacun de mes gestes fait durer le reflet de ces instants fragiles. La brillance bourdonnante qui nous révèle est une coulée de verbes volants. Je dors dans le cimetière des apocalypses. Sous mes paupières, la nuit défile comme un brouillard de ruines.

 

Il est difficile d’être plus optimiste que la réalité. 

 

Parfois, regarder par la fenêtre, c’est transporter tout ce que l’on est d’un espace à un autre. Une vie entière dépasse les frontières de la peau pour explorer de nouvelles zones inconnues. Ce détachement du corps, de la parole et du cœur cherche une résonance à sa propre matière. 

 

C’est précisément où l’ombre n’existe pas que l’on peut entendre pleurer la lumière. La douceur de la plume échappée de l’écriture appréhende l’univers filtré par mon enveloppe charnelle. Le silence occupe le voile minuscule recouvrant mes tympans. Il accompagne la fournaise crépitante qui ravine mes sensations et mon appréciation du monde va de pair avec l’odeur du feu qui me consume.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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