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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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16 juin 2016

Ce qui se meurt parle plus fort.

00021412L’abandon se cambre de lui-même. Il nous offre sa face tactile et nous sommes rongés d’une corrida de gestes immobiles. Tout ce qui rompt avec la possession et le sentiment d’appartenance nous dépite. C’est la grande cascade de la mort qui ne se voit pas. L’engagement se débride et nous sommes contraints de nous en retourner seuls tout au fond de nos âmes. L’estocade trempe sa lame dans la nuit d’encre et t’écrire devient un râle, un entre-deux dans le creux de la fracture que je remplis de mots. Tu vois, il nous faut remplir, puis garnir le trou, bourrer le vide. Toute la vie est une fenêtre ouverte sur la promesse.  

 

Nous partons prendre le plaisir au lieu même où il est né. Nous brandissons nos flammes inassouvies comme des étendards, des bannières où le « au secours » est écrit de notre sang. La joie chaotique ruisselle de ses sursauts, libre de ses errances, en quête du langage du rire, du langage universel des langues et des musiques personnelles. L’accès au silence surgit sous la langue et déploie nos eaux de roche comme un torrent de montagne à la fonte des neiges. Nous sommes la transition et l’éveil du monde. Nous sommes dans le devenir de l’ébullition qui fricote avec nos palabres anciennes, avec nos inconnus tramages de l’histoire du monde. Nos cadences ont quitté le soufre des volcans et nos braises deviennent de lentes sensations chaudes qui boivent à nos dilatements. Nous enflons dans l’immobilité du recueillement. Le mouvement agite nos fonds gazeux. La mer se réveille doucement et nos chairs rament dans la chair comme des chaloupes recouvertes par la brume. Nous retournons à l’obscurité et à la lumière dissoute avant de rebondir dans l’écho qui s’arrache de la poudre de l’air. Tu es la membrane duveteuse où s’habille l’ovation du jour qui vient.  

 

Tu es cette miette de lumière qui illumine l’absence première et qui me fait redouter l’abandon sous toutes ses formes. Une douceur merveilleuse remonte de tes yeux clos et je comprends mon impuissance à franchir la distance qui nous sépare. Je m’y résous malgré moi en te supposant proche. Je construis pour toi un espace où le rêve s’épanche jusqu’à tes fragments. Dispersé en fragiles morceaux de cristal, je me détache de l’écorce où tes mots et mes épluchures se sont rassemblés dans le délié des vagues qui t’emportent. 

 

Enfin, ton image sort des ténèbres. Et ton visage plane au-dessus du ruisseau qui parcourt l’encre de mes écritures. Des rafales de mots peignent les grappes de tendresse qui viennent s’essorer sur la page blanche.

 

J’ai vu des océans se remplir de moelles, j’ai vu ta mort embellir l’existence et des tirades d’amour se bâtir sur l’épreuve des jours.

 

Et pourtant,  là où nous avons été, l’heure est dite.  

 

Certes, il y a nous et ce que nous désirons. Certes, nous sommes hantés par le rêve que nous confions à nos raisons désordonnées. Mais, je suis déterminé à corriger cette foison d’actes inachevés. Chaque écho d’avalanche nous rappelle le lit brûlant de nos fantômes. Toute notre fortune est un caveau à vin pour nos prochaines ivresses. Là-bas, plus loin que la colline, la couture des ombres dessine nos langues meurtries. Et, j’ai déposé mon silence dans le tien.  

 

Le bruit de la résurrection souhaitée frôle l’imaginaire. Tu m’occupes comme une fontaine perdue dans la garrigue. Tu es une trouée au cœur du néant. Des sensations trempent dans la neige et des flocons froissent les mandibules de notre apaisement. 

 

L’amour est-il cette différence dans laquelle nous nous confondons ?  

 

Un bruit d’eau lointain retentit dans l’auge de mon corps. Sans doute de la glace qui fond dans la cave de l’éternité. Un écoulement inévitable transpire dans les ravins de l’absence.

 

L’obscurité est entièrement désossée par le vertige qui l’accompagne. Le noir est devenu un chemin routinier pour le squelette de la nuit. Je vais à l’aveugle, laissant à mes sens le choix de la route. Regarde-moi, regarde-toi, le jour est en train de revenir et tout persiste à vouloir finir. 

 

Non décidemment, aujourd’hui, il fait trop noir pour imaginer une quelconque dimension. L’essentiel est enfoui dans des a priori nébuleux. Retrouver l’apaisement en t’invitant dans mon esprit serait une gageure. Mon présent est une étuve où s’hérisse la clairvoyance. Tu es une pierre dans mes yeux et le lit du temps y coule comme un ruisselet au milieu de la bouche. Je rampe en moi-même. Dans cet enclos de fumée, quelques scintillements cahotent sur des trajectoires hâtives. Des mélos oscillent entre l’amas de cendre et la brûlure. Un flot de lumière arrêtée discrédite le mouvement des pensées en ébullition. Je vais dormir. Dormir de mes mille yeux fictifs dans les couloirs d’un exil provisoire. Un cristal de roche à l’intérieur de mon ventre répète le temps. Je sommeille auprès d’un bonheur clandestin qui s’émiette. Des meules d’air affûtent les années qui te recherchent. Entre sang et pensées, une musique agite la distance qui nous sépare, et je me heurte encore à ta mort inachevée. 

 

La vie, l’écriture, l’amour : cela se termine toujours dans le sable creusé par le vent. La parole ameutée entre l’ombre et la clarté se presse sur la plage déserte. Il n’y a rien à combler malgré la virginité renouvelée des murmures évanescents. Il est des vides qui ne se comblent pas. Jamais. La terre promise aux cœurs parallèles n’est plus qu’une lande atrophiée où s’interfèrent amnistie et coups de fouet. J’entends sonner la cloche des rémissions sans pour autant qu’une trêve n’écarte du néant la part gouleyante des ténèbres. L’inassouvi se livre à la croisée des terres et de l’eau. Là, un minuscule espace dans lequel s’étouffent les actes inaccomplis. Chaque prière énoncée à tire d’ailes se dissipe dans le cœur sans frontière. Tu dépasses maintenant l’aurore. Tes mains sont des pendules oscillant d’une ombre à une autre. Ton visage est une lune légère qui voile ma mémoire.   

 

L’ardeur de chaque mot se détache du sens donné. Le non-dit bâillonne les lèvres truculentes de l’espoir. Les yeux sont couverts d’images mais les vagues rechutent et les frissons de l’eau troublent mon existence. Ce qui se meurt parle plus fort.  

 

Dans le gouffre des disparus errent des nuits étroites, des espaces étriqués où l’air se ramone tout seul. Le noir, complice du silence, effraie l’enfance de nos cœurs. Qui d’autre que toi peux venir jusqu’ici ? Des limbes sans voix accompagnent le jet de désespérance. J’ai la tête haute, pourtant elle ne dépasse pas les herbes qui m’entourent. Mon enfance dort dans l’abandon des stries inoccupées. J’ai toujours cinq ans lorsque mon ignorance se conjugue à l’abîme. Un remugle d’étoiles grille sur l’horizon décimé et ta mort découpe mon existence au rasoir du vertige. L’adieu de cristal souffre de l’inconstance des anges. Le souffle n’accède pas jusqu’à ton immobilité et il ne remplit plus l’auge de mes dénonciations. J’en viens à vénérer l’ombre qui vomit la lumière. Toute ma vie s’échoue dans l’imperceptible frisson arraché à la conscience.  

 

Les mots, inutiles prédicats, s’enfoncent dans le tourbillon des heures perdues. Ton fantôme inépuisable fait les cents pas devant les distiques élégiaques de mes parcmètres. Un étrange sentiment est né dans l’absolu. Plus rien ne se saisit dans la brièveté des heures convalescentes. Je t’aime et je m’endors sur le bord de tes marées.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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S
Des vagues d'ombres dans un océan étoilé de mots
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