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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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14 juin 2016

Nous émergeons dans la fêlure.

35A6090_copieToute ma survivance est un exode, un relent d’air calfeutré dans l’inspiration, une muse providentielle surprenant la ration d’écume quotidienne. Je suis ce que je crois être. Le rêve assèche ma gibecière d’infini. Je suis ce qui existe par-delà moi-même et tu le prends. Puis, tu me retires le peu d’idéal que me concède le jour appauvri.  

 

J’aborde la vacuité dans sa représentation sine qua num. Je voudrais pouvoir bringuebaler l’obsolète rigueur du sentiment qui menace l’aube nouvelle. Il me plairait d’éponger la clarté inexprimée logeant dans la cellule de l’émotion. Le coup de cœur ressenti n’est plus qu’une résonance exposée au vide où chaque syllabe cogne le ventre du ciel. Dans mes torrents, une truite remonte les eaux claires et ce qui est périmé se dénature au contact de l’air. 

 

Nos terreaux sont des paupières pour le désespoir et la béatitude. Dans notre chair, chaque motte est une larme, chaque senteur d’écorce pleure l’arbre perdu. 

 

L’exubérance malicieuse du silence ponctue le fantôme qui s’est glissé dans la voix. Derrière la porte des perceptions, nos sourires allongés se relèvent la tête haute, le buste droit. Nos litières anciennes deviennent des nids douillets pour de nouvelles naissances. Dans le secret du sucre se trouve la confiture fidèle que nos âmes recouvrent. Nous émergeons dans la fêlure et je te ramasse dans l’attachement des mémoires comme un tout amputé de ses jambes. 

 

L’espoir a été une civière, un brancard dérobé aux anges. La mort a dispersé toutes les étoiles dans son surmenage de vide. Elle a torturé le projet d’amour. Oui, c’est bien elle qui a désossé le durable, elle qui a persécuté le désir et l’a rendu caduque. L’unité précaire de nos corps et de nos esprits s’éparpille. La rupture force l’éloignement à faire son œuvre. S’il te plait, ne vas pas trop loin. Je t’attendrai. Ou bien tu m’attendras. Nous ne nous quitterons plus. Du moins, sans nous accoucher dans l’ombre qui nous emporte. Va ! Reviens ! Je titube. Des allées et venues incessantes bouffent tous les chemins, usent les semelles de l’espoir, catapultent nos visages à des années-lumière. Il n’aurait fallu qu’un moment de plus pour que nous frôlions la poitrine du gel et que nous cédions le berceau de nos étincelles aux étoiles de givre.   

 

Tu n’es plus un lieu. Tu les occupes tous. Décomposée dans le dernier temps qui soit, la confession du silence déboutonne le jour de ton départ. Nous sommes nécessairement en danger. Il nous faut rendre ce qui nous a été donné. 

 

Pas le temps de finir, pas le temps de nous inscrire dans la durée percluse d’ambre évasive. Il nous manque l’heure atemporelle. « Mourir de rire et rire de mourir », disait J. Prévert. Il nous reste ce rire parce que nous ne le possédons pas. Cette candeur joyeuse, elle remonte jusqu’à nos gorges sans que nous en connaissions sa source. Elle perfore les tubulures d’indigestes sanglots et elle admet le dérisoire que nous voudrions effacer. Parce qu’il rit de ce que nous pleurons, le temps devient une boutade aphone. 

 

Je ne cesse de ressasser le désir retroussé, la vulve où s’insémine l’intention qui n’a su rendre compte de son élan. Au fond, qu’est-ce que le sentiment d’échec ? Une appréciation quantifiée, une subordination subjective, une allégation rétrospective, une assertion confirmant l’inaboutissement ? Bah ! C’est de toute manière, un tremplin qui nous propulse et nous installe dans un lieu inattendu. 

 

Je crois qu’il est vain de prétendre échapper à l’anéantissement du vécu partagé. C’est une toile collée à l’intérieur de nos peaux. C’est une maladie étrange, une espérance de l’absolu où rompt la matière pour se fédérer à la poésie vivante au fond de nous. Je ne peux donc ni te tourner la tête, ni t’accoutrer des habits que je t’avais choisis. Mes yeux raclent des empreintes invisibles et tu nages dans l’aube que j’invente. Tout en haut du ciel, je suis le vestige d’éclipse à côté de ton étoile.   

 

Tu t’inscris en moi comme une racine longue et profonde, pointue à fendre les chairs. Dans le consentement de la sève, ta nuit rêve à ma nuit. Circonvolutions fines qui tracent des traits sur l’épaisseur de l’air. Des volutes en charpies dégringolent de nos têtes comme les pièces d’un puzzle à reconstituer. A genou, dans l’impuissance de notre cœur à cœur, nos yeux dans nos mains et nos mains sur la fine couche de nos respirations, nous nous aimons comme une mer s’étreint de son sel pas encore cristallisé. L’élan est tendre et invisible. Artisans de nous-mêmes, nous déchiffrons les bosses et les courbes de nos sculptures à la force de nos poignées et de nos muscles communs. Nous retentissons comme un bombardement intensif au cœur des plaines humaines, aux cœurs des peines amoureuses.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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