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Bruno ODILE
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4 octobre 2016

A trop vouloir devenir qui l’on est, une double vie s’impose.

13501622_270251433335179_386418446041604115_nLa différence qui nous acclame est inséparable au mouvement qui nous regroupe. Voilà le blé et l’orge qui se congratulent. Voici le baiser du silence au cœur de chaque parole. Je voudrais m’oublier dans le regard de l’autre, alors que c’est mon regard qui s’estompe, ma plaie qui s’efface pour n’être plus qu’un affaissement, un éboulis de charabias étourdis sur le bord des gencives du monde.  

 

Mes sens sont des fenêtres. Je ne te vois plus, je te sens et t’écoute. Ton parfum pénètre l’onde que je reçois. Une écume d’être se dépose sur le jour qui m’ensevelit. Quelque chose monte et descend dans la respiration sans que l’air ne soit un support. Le silence est sans limite comme l’unisson qui nous transporte par-delà les frontières de l’image. Je suis debout sur la pierre du panorama existentiel, une harmonie surprenante décèle le paradoxe des couleurs où s’enchevêtre la lumière qui nous transperce. Sous la lampe transcendante, la dictée sensuelle retrouve l’urgence fragile d’une présence éternelle.  

 

Tout de l’impossible tirade du monde amplifie ma solitude et mon cœur perd la tête à chaque rencontre avec la ressemblance. Ce n’est que face-à-face avec l’intrépide volcan de mes entrailles qu’il m’arrive de poser la lumière sur le lit de mes ombres.

 

Dans la disparité, la convergence des fuseaux d’ondes repose sur le croisement hasardeux de nos souffles. Une poésie de fond de tiroir achève le déménagement de mes ombres. 

 

Dans une attente intérieure hors du temps, j’enroule ma vie aux secrets de ses contours, de ses lacets d’espérance et dans la paume du jour où la clarté d’aimer s’éveille doucement.

 

Voilà le chemin tavelé d’ignorances et de candeur sans voix où je trace avec mes frissons l’empreinte indélébile du temps qui s’échappe.  

 

La terreur de voir son corps mutilé est inexplicable. Il y a quelque chose de définitif dans la morsure. La matière croyait dormir dans l’épaisseur inerte de l’éternité. Et puis, soudain, c’est la transformation, la mutation radicale. La transmutation. Il suffit d’un instant et tout est révoqué. Hier, le fleuve se jetait à la mer ; aujourd’hui, les glaciers fondent et les lacs débordent. Nous ne sommes que des lignes mouvantes qui cherchent à rappeler le souvenir d'une réalité éphémère et fragile. À l’intérieur de moi, une vie abstraite se diffuse comme un langage dépossédé de lien.  

 

Le désespoir dort dans la démarcation qui sépare la poésie de l’arbitraire. Les clairières s’avancent à chaque roulade du manque. Mon sommeil amputé de ses forges claires s’écarte péniblement des glissières du vide. Rien n’a plus d’emprise sur la réalité qui me cerne. Il n’y a que ces parcelles mortes où vient s’éteindre mon regard. Des lueurs atrophiées sur le bout des peaux recousues se promènent dans la transparence du givre. Des rondins d’ondes agglutinées sur le miroir, des épaves mornes et taciturnes glissent d’une rive à l’autre. Emporté par le reflet d’invisibles latences, l’horizon lointain se noie aux creux des hasards intrépides. J’emprunte le mouvement à ce qui s’expose aux limites de la force fondatrice de la parole. Là où tout s’arrête, tout est dit. 

 

Stoppé net par le choc et le fracas des os dans la marmite fissurée, un empire s’effondre dans l’enjambée aérienne où le grand écart défie la robustesse. La vie en gravats dans mon sang, l’urgence partout en flammes noires, je ne sais rien des encablures du réel. Je vrille et m’extirpe du chaudron où se prépare le bouillon des heures fracassées par le tourbillon du temps infini. Des odeurs anciennes reconduisent l’infini à la source de l’enfance. Une jambe en moins, j’ai mal au cœur. La nausée accuse la présence défunte. Ma poitrine gonfle comme une voile blanche traverse un azur barbouillé. Demain sera coupé du souffle premier. Je refuse de voir où les aiguilles sont assises sur cette chaise roulante. Ta main est sur mon cœur, elle m’a suivi au-delà de la tempête.  

 

Des rêves anciens, morts nés, discutent de la déficience en tout bien tout honneur. Je suis replié au fond du sac comme des champignons après la cueillette. J’ai sur le visage la trace des deux roues qui me portent. Dans l’air de la nuit, je suis seul. J’habite la varice d’un conditionnel itinérant. Errant, je me déplace de nulle part vers nulle part. Si ma vie était là, la brume tisserait les lames de la lumière. Si je savais taguer l’empreinte du jour, les murs brilleraient comme des lunes évanescentes. Alors, je migre vers la fureur concordante, je crie le silence qui m’estourbit.  

 

Dans la nuit paresseuse, j’ouvre le livre du noir pour y chercher l’étincelle. La mèche est courte et la volonté moribonde. La morale accourt dans ses habits de cendre. J’ai un cheveu sur la langue et des mots coiffés d’abstinence. Il faut être fort, disait l’angélus. Tu dois garder la tête haute et le menton posé sur le soleil. Mais je n’ai pas la force de tenir debout sur la chute. Je resquille à l’absence la fleur de mon être et je veux la semer aux quatre vents. Le chant de mon squelette s’évapore en ondes muettes. J’ai conservé la clé des ombres dans la poche des rumeurs tonitruantes. Je rumine des onces de labours anciens. Ma charrue n’a plus de soc, mes mains sont vides et je danse avec l’orage qui me dilue. 

 

Le corps diminué, je suis à l’intersection de deux visages, de deux regards et je n’ai qu’une seule route à traverser. Perturbé par des soliloques incessants qui voudraient refaire le monde, moi et moi excellons auprès des réclamations opposées et contradictoires. J’affronte le temps qui se casse. A la nouvelle horloge, les aiguilles plient sous le poids d’un rythme chamboulé. Une lumière gisante fait écho à la nuit mystérieuse. Le silence entretient les salves de prières au fin fond du verbe que j’ai conservé de l’écriture humaine. 

 

Accablé comme l’étoile qui percute les frontières de l’infini, je file d’un monde à l’autre et d’un son strident jusqu’aux cordes de la harpe. Ma vie, cette ficelle boursouflée, est aussi raide qu’une sentence morte. J’ai choisi un soleil qui n’existe pas, un feu sans lumière où la vie se convertit en une épée lumineuse plantée dans la pâtée de ma chair à vif. Je ne m’explique pas le réel, je vampirise les goulées d’air qui me traversent. Une vision corrosive brouille mes pistes. J’avale les pentes et roule sur la neige pure comme un drap blanc s’évanouit à la surface de mes sommets. La discrimination, fondée sur la précarité d’un corps, rejette toute convoitise. Mon désir le plus noble serait d’être appréhendé pour la liqueur intérieure qui m’est chère, mais ce n’est qu’une facétie cosmétique, un masque burlesque de carnaval.  

 

A trop vouloir devenir qui l’on est, une double vie s’impose. Inconsciemment, l’épuration de l’acte concret dissipe tous les malentendus existants. L’imaginaire n’est plus un confort mais un défi. L’handicap physique lave le costume du « Monsieur-tout-le-monde ». L’exploration du néant est une continuité possible. Il n’y a plus de chemin neutre et impersonnel. Les moments fragiles s’incrustent aux ruptures de l’éternité qui glisse en silence, jusqu'à obliger sa constante redéfinition. 

 

Le désespoir n’a pas d’odeur, il est volatile. Au croisement de la pudeur et de la révolte, l’écriture est parfois une croix bénite avec le sang collégial d’une armada de mots traduisant l’émotion commune. Il y a quelque chose d’universel, une vérité infinie, qui court dans le vif du monde. Le blues est un tango à mille mains et à mille cœurs. Un os de moins, un os de trop, l’air est sensible à la masse. Trop souvent, l’esprit se soumet là où le cœur se déplait et se rebute.    

 

Souffre mon âme de tes deux yeux crevés ! La jarretière se porte haut sur les balcons de mon ciel. Le mariage du firmament et de la terre reste un euphémisme lorsque mon corps décapité rugit de sa gloire perdue. La synergie de mon être est fragmentée, une fissure gorgée de déception m’appelle à la charité du bourreau. Coupe, coupe donc le cordon qui me lie à l’encombrement des gestes disparus. Taille donc, tranche le bourbier de mauvaises herbes qui donnent un sens à mon existence. 

 

Je suis un bourrin-trotteur sur les plages déracinées aux bordures des mers. Ma chevauchée est une flamme mourante sous les vagues rougies d’un soleil qui se meurt. J’entends dire au loin : « Elle n’est pas belle la vie ? », mais cela ne remet pas de l’ordre dans le fracas de mes os. Assis sur l’équinoxe, la grande marée recouvre toutes les contrefaçons. Mes yeux flottent avec la pluie de grêlons ajoutant ainsi à l’avarie de l’espoir une perte plus subtile et plus désastreuse qu’un simple opéra de gestes.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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