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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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3 novembre 2017

A l’ombre de nos souffles.

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Mon refuge s'est construit au creux d’un arbre penché sur des zones d’ombre où se gravent les mots accidentés, les scarifications qu’aucun oubli n’a su emporter. Abri dérisoire où la virtualité s’accorde à déverser la sève aux racines infestées de regrets. La bassine percée de « l’outre-dire » est restée au pied de l’arbre avec son linge sali par l’audace et la lucidité veule. Mais maintenant, tant bien que mal, tout a séché au vent de ses démesures.

 

Et ici, vois-tu, ma douce Doudou, te parler d’amour nous éloigne de nos fonctions d’être pour nous plier au bon vouloir des caprices du cœur. Parce qu’ici, c’est l’odeur de l’averse où renaît le monde. Ici, c’est l’idée même d’une communauté close, plus entière et plus intense, qui s’essore de nos yeux d’enfant ; c’est le temps battu par nos tempêtes et reconstruit par de nouvelles prières. Dans ce lieu du cœur, il ne peut y avoir une langue de bois qui ne soit assez solide pour entraver nos vigoureuses palpitations. Nous aurions pu dire et faire, nous aurions pu convoquer la déroute sur d’autres altitudes. Mais cela aurait été un dérisoire enterrement pour la clarté de nos rêves. Et nos solitudes se seraient renversées sur d’autres chemins. A présent, c’est l’aube au fond de nos yeux qui reconstruit une campagne nouvelle, une terre enfantée par le désir de survivance. A trop nous emprunter l’un l’autre, nous nous sommes perdus dans l’incompréhension des destins.

Depuis longtemps, le soc de la charrue a tracé ses fines lignes droites. Des lignes excavées dans la solidité de la filiation, de l’amour durable et inconditionnel.

 

La montagnette crépite comme un feu renouvelé et mal éteint. Le désir grince comme une porte ancienne que l’on pousse du cœur. C’est une lampe qui cesse de respirer à la lumière qui s’élève hors de nous. Nos yeux grimpent la nuit comme on escalade des étincelles. Nos cigales persistent dans leurs rondes malgré la fuite du temps. Nos yeux sont des cicatrices mal refermées où sont retenues les heures qui refusent de disparaître. Du romarin pousse dans nos voix et nos ventres mangent le basilic qu’autrefois nous froissions dans la paume de nos mains pour parfumer nos empoignades. C’est l’été qui se bat contre le tonnerre. C’est l’amour qui gronde après la foudre. Le Mistral alimente le feu de nos cœurs et nos garrigues intimes s’enflamment pour renaître sous le pas furieux de nos désappointements.   

 

Nous appartenons au désir comme à une joie évasive. Une joie large et distendue pareille à un tricot de laine déformé. Toi et moi, dans un clapas déformé et recouvert par l’ombre d’un chêne velu.

 

Toi et moi, dans le même désir. Je le veux. Je le sens. Le désir enrôle les mots. L’avenir s’entrouvre. Plus rien ne m’opprime, hormis la joie excessive qui écrase le bonheur sous ses sabots. Je rêve comme il est bon de rêver, sans artifice et sans l’agrément de la compensation. Je règle ma vue sur la tienne et derrière la foudre, je regarde la lumière, droit dans les yeux. Si les mots servent à quelque chose, qu’ils servent au moins à cela. Te dire combien les ampoules sur ma langue, à force de ressasser ton absence, sont devenues des coques de gourmandises transparentes.

 

Les mots bleuissent, cabossés par les bouffées mal dosées d’oxygène, déformés par le jour. Le temps nous a volé les sourires du ciel. Les pleurs ont forgé la pluie battante qui nous poursuit depuis les couleurs projetées dans la lumière.

La vie est brève, l’angoisse prolongée. Et puis qu’adviendra-t-il après ?

 

Chaque attente va au-devant de la mort. Quelle que soit sa grandeur. Nous devrions faire de l’odeur de la pluie, le seul moment à vivre. Les mots coulent avec l’air que je respire. Ils dévalent les pentes comme des ruisseaux nés dans le ventre de la terre. Ils enjambent l’aurore pour se planter directement dans le soleil.

La mémoire est la tutelle de mes os. Le souvenir s’articule comme des membres revigorés, comme des excroissances nouées au présent. Dans l’obscurité, nous foulons les intervalles qui nous renvoient à nous-mêmes. Je m’éloigne et je reviens, je navigue en boucle. Je marque une pause pour mieux sentir s’envoler les jours brûlés des souvenirs et les griffures de sang qui maculent ma peau.

Nos mers sont des champs d’oliviers pris en étau entre le cri des cigales et l’incendie qui consume nos cœurs. Serrure contre serrure, nous avons déposé les clefs de la joie dans nos souffles familiers.

 

Le silence qui nous brasse redresse l’air qui nous entoure.

Le vide trouve un sens nouveau dans le tarissement qui associe et assouvit nos fantômes.

 

- Bruno Odile -Tous droits réservés ©

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