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Bruno ODILE
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23 avril 2014

Mes maux sont au chevet du soma.

thumbnailCA2EJX87Ce matin, je tiens une boule de neige dans ma main. La fonte glacée accélère ma réintroduction dans le présent. Mon corps, cette quille d’os et de chair me servant de gouvernail, se fraie un chemin à travers les turbulences. Je suis ceint de fouets sanglants, mais j’épouse, malgré tout, l’antre démâté qui embrasse le jour. Je marche d’un pas lent vers la réconciliation du temps réfléchi avec le temps présent. L’immobilité physique résiduelle n’a que trop altéré les retrouvailles. L’engourdissement de mon sang ne m’a que trop déshabitué à une présence hors du monde. Je marche vers mon centre de gravité, je m’écarte du filet troué par le voyage. Je suis aux pieds de mon existence et je grimpe sur les grimaces que les heures noires ont laissées dans les bagages de ma déroute. Je me rappelle ces mots de Montaigne : « Mes pensées dorment si je les assis. Mon esprit ne va, si les jambes ne l’agitent…* ». La fixité a affermi ma patience, mais elle a également donné des ailes à l’exubérance de ma chair. Je suis, tout à coup, un vol d’oiseau, un bruissement de feuille, un souffle de vent.   * Essais, livre troisième. 

Mon cerveau est un magicien, il est capable de réactiver des natures mortes. Mais mon cœur le domine en griffonnant sur l’abîme des clairvoyances plus hautes et plus intenses que toutes les rêveries désordonnées. Mon corps à la traîne semble voué à l’insignifiance. Il n’y a que saoul de ses rages et de ses désirs qu’il accepte de s’ouvrir à la vie comme une fleur désemparée. Un corps est toujours sauvé du désastre par ses réflexes. Une vie qui se met à douter est identique à une congère dans le néant. Je suis le dieu mortel de moi-même. J’étais voué à l’abomination avant même de naître. 

«… On n'est jamais autant homme que lorsqu'on regrette de l'être ».         

                                                     Emil Cioran, De l'inconvénient d'être né.

Il faut vouloir s’arracher aux impasses d’un Moi profond, pour se rendre compte combien l’on fait corps avec soi-même. À rebours des accès de fureur qui me conduisent à l’aberration de mon espace propre, je m’accorde volontiers avec la nonchalance de mes mouvements. De mes actes, j’ai trop tendance à ne retenir que l’équivoque manichéenne qui reflète ma pensée en action. La posture de mon esprit se calque sur l’empreinte des émotions qui me caractérisent. Plus j’approche mon corps et plus je sens vivre mon esprit. Ce colocataire est ingérable en période de crise. L’harmonie, ou du moins le peu que j’en connaisse, je n’y accède que lorsque je m’alite dans la tempérance de mes fibres. Je ne sais être tout à la fois révolté et calme comme une côtelette sur de la braise. J’astique comme je peux la grammaire de la tolérance, mais l’handicap du verbe est trop sévère pour qu’il puisse déterminer avec exactitude la panoplie de la carence. Mes maux sont au chevet du soma.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés

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