Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Bruno ODILE
Archives
Publicité
Bruno ODILE
Visiteurs
Depuis la création 46 199
Derniers commentaires
7 mai 2014

Du cauchemar à la joie, sans ouvrir la porte.

Après avoir touché aux escarres des jours sanguinolents, j’apprivoise doucement la teneur nouvelle du souffle haletant. Jets de gerbes flétries, bouffées d’incohérences acerbes, je collecte l’errance rodeuse comme d’autres collectionnent des timbres rares. Ma voix n’est plus dans la parole, elle vole d’un sommeil à l’autre. Elle coule comme une fontaine qui a perdu de vue sa source. Elle cogite avec la vie cachée en moi, elle se tait et grelotte dans une situation sans issue. Lorsqu’elle n’est plus au service de la paix et de la justice, elle s’abandonne au silence de l’éternité fossile. Elle attend patiemment que se fraie un passage dans les fissures du mur de résistances intérieures. Tu vois, j’oscille de la grâce à la disgrâce. Sans doute, un héritage lointain, un cadeau empoisonné du temps mort depuis des siècles. Je me sur-vis du mieux qu’il me soit possible. Jamais entièrement occupée, la joie tant attendue pommade les blessures vives. Elle ne sait pas tout guérir, mais elle contribue allégrement à la récession des meurtrissures. Quand les mots ne veulent plus rien dire, le mieux est de se taire. Le silence est seul capable de traduire le feu qui remonte de la cavité originelle de l'éternité.

painture_tableau_femme_nue

Là-bas, dans le désastre de la première heure, j'aperçois le drame à peine avouable de la matière en ébullition, le nœud d’un échec permanent ou d’une rupture avec la matrice primitive. Je sais les dons endémiques à travers lesquels l’existence se décharne tout au long de son parcours. Je sais l’ivresse interrompue dans la démesure de l’immensité que je n’ai sue emportée dans ma chair. 

Habiterais-je le cadavre nu du noyau du monde, que je ne saurais rien de plus de ce trou noir où s’enfoncent mes interrogations. Peut-être, le chaos s’est-il construit sur l’apaisement des braises de la matière ? Je vis dans le miroir de mes ombres et chaque pas, chaque avancée est un retour sur ce que je n’arrive pas à épeler de moi-même. Cercle infernal de l’interrogation, plus rien ne jubile dans la cendre morte que je réactive d’un souffle bêlant son agonie. Il n’y rien de concevable au-delà de mes brisures. Je marche et je plie comme l’arbre dont les racines sont trop lointaines pour lui susurrer quelques sèves nourrissantes. Il y a le plaisir des sens et l’incendie de vœux qu’ils manifestent. Il y a la bordure de mes lèvres et cette parole arrachée à la glaise avec laquelle je construis des murs de boues séchée. Je m’oubli dans l’acte ordinaire et dans l’illusion d’étancher un besoin fondamental. Un jour, j’irai au bord de ma rivière de peau et d’alchimies curieuses, j’irai écouter le chant des pierres de ma maison. J’observerai les caresses de la nuit d’été sur mon refuge intime et je tapisserai mes rêves du parfum des galets qui chantent. Je jouerai sans cesse à chat perché au-dessus de la brume.

Les mots concèdent ce que je n’ai pas, ils pleurent la servilité de mon corps au désastre imputrescible qui enraye mon processus d’épanouissement naturel. Ils déçoivent souvent ma réalité par leur impuissance sur mon destin. Je cède et je décède d’un seul trajet. J’arrive d’une enfance à pieds joints jouant à la marelle et je saute d’un train allant à vive allure. Plus rien n’est autant sérieux que la joie. Larme nue dans la lumière, j’avance derrière le rideau du temps. Un printemps fleuri dans ma poitrine. Je suis sur la terrasse du monde, un papillon sur l’épaule. J’apprends à différencier la vague grossie par l’hiver du bruit qu’elle fait. Je suis vivant avec la poignée de sel qui se répand dans le sable. 

Peut-on évoquer le bonheur sans raconter ou se remémorer les angoisses, les troubles et les souffrances qui nous ont précédemment saisis ? Peut-on retrouver l’éclat des jours au point de non-retour et comme si rien n’avait été, gambader léger tel un elfe sorti des buissons ? Je n’attends rien de moi-même et cependant, je suis à l’affût du moindre espace joyeux sur lequel je pourrais jeter les dés de la providence comblée par la gaité. Toute la morale accumulée depuis ma naissance me prédestine à l’austérité, à la rigueur et à la soumission. Je suis consigné derrière la porte du défouloir, le cœur en laisse et l’esprit bâillonné par la vénération de la détresse. J’attends tout de moi, mon corps aux aguets, mes rêves en exergues du monde, ma poitrine aspirée par le souffle de la vie. Aux antipodes de la chose méritée, je butine aux quatre coins de l’horizon. Je sillonne à la proximité de toutes les parenthèses enchantées.  

J’aimerai purifier la tendresse échouée sur les rives désuètes de mon âme. J’aimerai savoir qu’il n’est pas trop tard pour manger aux fruits de la lumière. Je voudrais penser que tout meurt dignement, les arbres et les forêts, les fleurs et les graines génétiquement modifiées. Dans le noir absolu, je ne vois plus rien, j’imagine. Je rêve d’une île de promesses que la mer caresse, d’un silence qui efface les salves de la tempête. Je marche sur l’eau épuisée, sur la mare asséchée. Je ribaude aux jaillissements des puits de feu, je libertine comme une oie gavée par le vent du large. De rien à rien, la mesure est complète. Nulle équivoque ne vient tenir la main du vide. J’ai grand besoin d’un désert où applaudissent les cauchemars mourants. Je séjourne loin de moi et je rebâtis sans cesse l’hologramme qui me retourne l’image de moi-même dans le miroir du temps d’amour. Malgré la misère du monde et celle de mon royaume, j’attends les jours de fêtes qui savent déformer le pugilat qui m’étouffe.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité