Les mots de joie ne sont que des îles fragiles.
Il y a dans la fatalité comme une odeur sinistre interrompant ce que je suis. On se reconnaît dans le mot de l’autre chaque fois qu’il évoque l’aspiration silencieuse d’une de nos pensées qui n’avait su germer jusqu’à notre propre bouche. Il est des choses qui ne peuvent grandir sans la parole qui les anime. Le raisonnablement pensé n’est rassurant que pour les pierres amoncelées au bord des rivières. L’émerveillement appartient aux montagnes dont les cimes poursuivent l’idée du rapprochement avec le soleil. La vérité du cœur survit à l’évidence de la raison.
Pour persister, j’envisage de naître à la lisière du refoulement des jours futurs. De toutes les persévérances, celle de l’absurde sauvera mon âme de l’abîme du temps. Pour ne plus courir après le rêve, il faut songer à l’inventer sans cesse. La résignation servile amplifie la sensation de fatalité jusqu’à rompre l’audace de la volonté fertile. En ne limitant point la vie à nos attentes, il est possible de s’aguerrir de ses échecs sans atteindre le paroxysme de la capitulation. Goutte de sang oubliée, l’instinct a lui aussi son souffle bâtisseur. Le vrai voyage se fait dans l’invisible. Mes tempes surabondent d’orgiaques pesanteurs moribondes. Toutes les mers menacent mes terres. Les mots de joie ne sont que des îles fragiles. L’obscurité divise la lumière et je ne sais plus énumérer l’imprévisible.
- Bruno Odile - Tous droits réservés ©