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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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20 octobre 2014

Sentir vivre et mourir la vie en soi.

Deliquescence_jeune_femme_nue_vignaux_stephanieUn silence où palpitent les promesses qui ne s’énoncent pas, une courbe quasi religieuse, dérivent de la mémoire première. Mon existence tient le journal des heures pour une flèche de papier virevoltant au gré du vent. Dans la marge de l’ajustement, le vide bricole quelques jouvences que bientôt la lumière happera comme un train à vive allure. La vie dans ses désastres majeurs me convoque toujours dans l’alcôve du vide, dans cette distance inexplicable qui m’éloigne de la trajectoire de mes semblables. 

L’existence ne montre rien, elle donne à voir. La bonne humeur allège le regard. Moi, l’inconsistant qui navigue toujours entre angoisses purulentes et ravissements jouissifs, je souffre d’un ressentiment béat qui s’affecte des contrariétés, de l’inconvenance des dogmes érigés en valeur sûre. La rigidité des concepts et des lois tracent des chemins qui me guident et m’empêchent de libérer pleinement le désarroi tragique et bedonnant qui m’assaille. Se frayer une route parmi mes besoins, mes désirs et mes amours devient vite un sacerdoce imputrescible. Il me reste le rêve et le libre-arbitre pour déjouer la fatalité qui me fait face.

Je suis un tissu d’inscriptions de toutes sortes sur lequel la continuité enregistre le temps perçu comme un buvard. Je m’appelle Bruno et la mémoire spaciale que j’occupe regorge d’infini. Je suis un projet, une attente et une halle d’abondance en quête du préférable et d’un outre-temps bonifié. Mon ballon d’oxygène s’envole sur une route sans jambes, l’inhabitable est partout une guérison potentielle aux affres de la médisance et des lieux maudits. Il me faut connaître la hauteur propice à la validation de l’émerveillement qui régénère. Je veux sentir la vulnérabilité sur les talons de mon âme.  

Je ne voudrais être rien de moins que cet homme dans son potager estival, raclant la terre, désherbant les mauvaises pousses, parlant avec les plans de légumes qu’il vient de mettre en terre, absorbé par les liens naissants et pénétré par la légèreté de l’air. Tout me semble si parfait dans le rapport charnel que l’on peut avoir avec la terre. C’est ici que je retrouve le rapport simple avec le réel. Parce que la nature est le désenfermement de mes sens, elle est le chemin de rosée nécessaire à l’éclaircie de mes pensées.

Je sais que la joie n’est pas une promesse, mais son intermittence m’attise comme braises au vent. Sentir vivre et mourir la vie en soi consiste à perpétuellement réparer l’onde de choc qui nous traverse. Mes sens s’éprouvent plus qu’ils ne pensent et je me dissous comme une rosée que le soleil caresse. 

Comme nous le rappelle Jean Giono, le bonheur est une aventure. « On n’attends plus rien puisqu’on va au-devant de tout, et on y va volontiers, puisque chaque pas, chaque regard, chaque attention est immédiatement payée d’un or qui ne s’avilit jamais, ne se dépense pas, mais se consume sur place au fur et à mesure, enrichissant le cœur et le flux du sang si bien que, plus la vie s’avance, plus on est doré et habillé, et plus tout ce qu’on touche se change en or.* » - *Jean Giono, La chasse au bonheur.

J’éprouve une frustration immense à imaginer que le bonheur puisse être durable voire éternel. Davantage encore, si je me situe dans cette course effrénée qui voudrait l’approcher tout azimut. Le bonheur n’est pas un absolu quelconque ou un droit divin, c’est le contraire. Il s’offre comme une chance lorsque chacun de nous a reconnu les ondes magnifiques qui traversent le quotidien. Fiancé à l’impermanence et adossé à l’ombre qui nous suit, il se désagrège aussi vite qu’une bulle de savon.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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