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Bruno ODILE
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22 octobre 2014

Je suis né dans le regard du jour.

Dos_nu_1367Comme un souffle dans le souffle, la jovialité est l’excipient incontournable de la haine de soi-même. C’est sûr, il ne s’agit pas d’une construction acharnée et planifiée mais de l’acceptation que l’on doit avoir vis-à-vis de tout ce que l’on ne maîtrise pas. Accepter la folie de la vie, ses cruautés, ses vices et ses déficiences, c’est être apte à vivre dans le détachement nécessaire pour goûter aux plaisirs qu’elle peut nous offrir.

Dans mon jardin, sans penser à rien, j’ai la mire du jour sous la dent, l’œil converti par l’irrésumable brûlure du mot amour, et je pose la main sur tout ce qui est beau. Je cultive un monde naïf et sincère, où le couteau qui coupe la salade renoue avec la vie dans mon ventre. À deux millimètres de la raison, tout est à sa place, tout concorde. Rien ne va de soi, mais tout parfume l’ordre des choses qui m’échappe. Le ciel semé d’étoiles me renvoie des lumières éteintes depuis des siècles et je bois aux liqueurs invisibles qui abreuvent la parole de l’incommensurable. 

La vie ne change pas ses ondes auréolées, elle se reflète en boucle. Chacun de nous en-quête sur le sens à lui donner. Pourtant, nous le savons sans le savoir, tout est là qui nous est donné, offert. Dans la chair de notre conscience, demeure cette clarté souvent endolorie ou invisible pour l’œil chargé de préjugés ou de lassitude : la joie. Celle d’exister malgré la question qui tue, malgré l’ignorance, le non-savoir, malgré l’aube qui renaît d’on ne sait où chaque matin. Plus encore, la beauté simple d’une fleur s’extirpant de la terre, flexion après flexion, dans un élan imperturbable, pour fleurir nos regards de l’immense bouquet de félicités qui nous environne. 

Non, ce n’est pas de l’enthousiasme, c’est de la contemplation. La joie s’économise, elle tricote son bas de laine pour les moments difficiles, elle recoud l’intimité à l’intelligence, l’oiseau avec les nuages, le poisson aux algues.

Qu’est-ce que la joie, mon cœur ? Cette nuit, j’ai eu si peur. Bercé par l’indolore coursive des cauchemars, j’ai cru voir l’horizon mourir dans ma bouche. Lumière voilée, dans la teinte atteinte de la lumière dernière, j’ai revu l’Aigle noir dans la vallée du ciel sans nuage. Enfermé dans l’amphore des croyances, j’étais marin infatigable à la recherche du trésor replié dans les langes de mon désarroi. Dans la grande faille des beautés interstellaires, mon rêve était coincé entre deux étoiles. L’une brillante et rieuse, l’autre boursouflée d’infini et du crachat de la nuit tremblante.

Pour les esprits bien ficelés, toute tentative d’accession à la joie semble difficile et nombreux sont ceux qui terminent leurs phrases par : « Je suis d’accord avec tout ça dans l’absolu, mais en pratique ce n’est pas toujours possible de faire ce que l’on souhaite faire. » Je crois sincèrement que l’on fait davantage pour la joie en évitant de vivre la déception comme une fin du monde. Vivre un bon stress, une violente angoisse n’est pas non plus une fin de soi, au contraire, c’est souvent ce qui nous propulse vers l’assainissement de nos troubles et nous libère pour vivre de nouvelles aventures. Plus nos choix de vie sont restreints, plus l’on recherche l’évasion et, c’est dans ce délit de fuite que l’on peut appréhender différemment notre existence. 

Je suis né dans le regard du jour, dans les plis de l’amour. Je suis le fruit d’une lente et indécise parole, d’un mot sourd resté perché sous la morsure du temps. Je reviens, les mains pleines, le cœur gonflé de pâquerettes, guéri de moi-même, comme une étoile abandonnée au cœur d’une constellation. Mes sens atrophiés se perdaient dans l’effluve des consommations arbitraires. Les arbres et les herbes m’ont dulcifié et apaisé. J’ai quitté la citerne d’abondance où baignent encore quelques miettes d’illusions perverses. Je me suis lavé aux fontaines des mirages en feu et j’ai goûté à la proximité de la paix, aux joies téméraires qui marchent sur des cendres.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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