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Bruno ODILE
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24 octobre 2014

Redevenir le ruisseau originel.

etude_de_nu_en_peintureLe chaos s’est dépeuplé, rien n’existe autrement qu’ici et maintenant. Dans le souffle de l’instant, hier s’effondre et demain rebondit. Je sauverai ma peau en arrachant de la résignation ses plus belles paroles : Le Monde comme Volonté et comme Représentation (1) ouvrira ses portes à l’agonie de la raison. Et, je repeuplerai chaque seconde en mâchouillant l’exil et la solitude qui me propulsent vers la rencontre, au lien sacré qui magnifie les hommes et la nature dans la même litanie.  (1) Schopenhauer, première édition, 1818.

C’est avec persistance que je cherche à exister plus que moi-même. L’expérience et les liens qui me tissent n’achèvent jamais leur route. C’est à la lisière de l’inachevé que j’exerce mes sens aux actes libérateurs. Le consentement que j’accorde aux événements que je subis m’ouvre la voie inconsciente de la source de qui je suis vers ce que je deviens. La tare du malheur exerce fugitivement son dévolu. Mendiant je suis, miséreux de la mémoire vive des hommes, je perle sur la terre vaincue. 

Tout ce qui dans mon être est resté au stade du non-dit m’empêche d’agrandir l’espace que j’occupe. La peur du rejet sociétal, de la solitude excessive et de l’image du petit canard noir me détournent de l’objet de prédilection qui s’appauvrit dans ma chair. Le face-à-face avec soi-même nécessite toujours l’effort et je dois me surprendre si je souhaite percevoir l’étincelle qui me maintient vaillamment sur le bord de mes propres ravins. 

Quand j’écris, je me préoccupe de tout ce qui doit être jeté à la poubelle. Le mot n’est jamais absolument juste, il collabore avec la règle qui l’a fait naître. Chargé de ses préoccupations intestines, il dévisse et interprète le poids d’une réalité abstraite. Il signe avec plus ou moins d’élégance le trajet d’une pensée furtive, libérée un instant pour témoigner du tremblement de l’esprit. J’écris comme je sens, et les mots peignent comme ils peuvent le froufroutement du frisson et de l’émotion qui m’inspire. 

Qui es-tu ? Demanda la Mort ....

Je suis l’orage des sens, la rupture de l’air, le sourire éteint dans la larme. Je vais et je viens comme l’anguille sous la roche dure. Je suis le labeur des heures périssables et volatiles, je retiens le mouvement et fais barrage à la lumière. Je suis le terreau du néant où la vie sculpte le noir pour dissiper sa mémoire. 

Je prends racine là où tu demeures inscrit comme un alphabet d’ignorance. Je suis l’absolu que tu n’as pas connu, le libre-arbitre du hasard, la chance que tu n’as pas saisie. Je suis la fin du désastre et le recommencement de l’incertain. Eparpillé parmi les particules nobles, je recompose sans cesse la source qui verra ton corps, ton esprit et ton âme, redevenir le ruisseau originel. 

On finit tous par mourir de ce qu’on n’est pas, de ce qu’on n’a pas réussi à faire pousser comme une herbe que le rocher étouffe. Peuplier courbé sous le vent, j’imagine les pleurs qui voyagent dans l’univers. Parfois, ils chantent l’irréductible teneur des foudres, parfois ils se plissent dans les plis de ce que je ne peux pas être. Mais, toujours, ils se renversent sur les bords du chaudron de la joie pure et s’écoulent sur le devant de mes pas.

Qui es-tu ? Demanda la Vie ....

J’erre de ci de là, aux frontières du néant. Je crée et je bâtis le refuge à la beauté, j’incarne la lutte du mariage de l’eau, de la terre et du vent. Je m’introduis au pinacle des actes et des mouvements pour les délester de la fixité latente qui impacte toute chose. J’abonde et j’afflue partout où la nature réclame l’existence de l’être et du faire. 

D’une graine, je fais la fleur, la couleur et le parfum. D’un incendie, je fais la cendre et l’engrais du renouvellement. D’une tempête, je lave et fluidifie la tragédie des jours infidèles. Je mûris le soleil et la joie pour ceux qui savent boire à l’eau claire sans divaguer dans la tentation de l’inconsistance et de la lâcheté. Je suis un moulin d’eau et de reliefs, un pressoir d’air et de lumière. J’élève mes rêves dans le bassin ensoleillé des nuits errantes. Je suis une lavandière, une paysanne attachée au rayonnement des jours et je me consacre à ne rien perdre des miettes de joie qui font barrage à l’incision des lames de l’horreur. Je suis une teigne belliqueuse et une explosion d’amour. C’est selon.    

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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