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Bruno ODILE
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9 février 2015

Nous habitons les verbes partir et revenir

100_Handmade_Oil_font_b_Painting_b_font_Naked_font_b_Woman_b_font_24_36inchDans le même fourreau, nous habitons les verbes partir et revenir. Sous la lame froide de la conscience ouverte, tout commence et tout se termine d’un même geste lascif. La plainte déshumanise la douleur pure. Les cris et hurlements me reviennent avec l’écho de leur propre déchirure. En disant mille fois je t’aime, j’écris les mailles d’un bréviaire ardent. La voix de mon cœur repousse les griffes des valses accablantes de la monotonie séculaire. Je marche sans bruit dans un végétal en mouvement permanent, repoussant autant de fois que les saisons l’appellent. Clandestin des bois profonds, miroir de la pluie, je surgis de ces petites lumières sans importance dérivant de loin, de très loin.

Bruissements clandestins d’un monde en attente, je m’accole au vent timide des soubresauts d’exhalaisons bourbeuses tissées de mystère. Du charbon enfante l’étoile où je loge, je suis marié aux réserves du temps, je suis le caviste des coups du sort. Je veux prendre ta main dans la mienne, mes doigts croisés aux tiens, et rechampir la moulure de notre lien.

Que se brise la vague ! Que l’on puisse s’écouler sur la plage, pénétrer la rive graveleuse et que l’on durcisse nos moelles jusqu’à devenir une rose des sables au milieu de nulle part. Tu es mon carnet de route, la blancheur crue du réel, le timonier de mon ignorance sur l’azur bleuté de moi-même et de la vie, de l’amour et de notre présence commune. Je t’écris et déjà mes pieds ne touchent plus le sol.

Les mots soulagent l’emprise de l’absence et de la solitude. Il n’y a rien à dire et tout l’espace inaccompli est un dessous de linge encore humide. Un linge à épingler, un linge épousant les formes pas encore approchées. La mer cette nuit a creusé la dune, les landes sont à portée de bras. Nos sentiers grumeleux ont disparu, balayés par les tempêtes de vent. Je cherche encore à consoler les vibrations d’une désaffection vocale, voir musicale. Tu es si gouleyant dans ma mémoire chargée par tes mots d’enfant, par tes tribulations d’adolescent et par la confiance surgissant encore dans ma chair paternelle. Je tiens en équilibre au sommet de moi-même, je suis l’antre d’un cœur palpitant, d’un moteur emballé. Mille ressorts jouent au strapontin, je monte et je descends comme des secondes illuminées.    

Propriétaire intermittent du mouvement, je m’acquiesce du laisser-passer qui valide le voyage du non-lieu. Je sors vers toi, je viens de mon histoire à la tienne. Le trajet est immense, tu es tout à côté. Je voudrais te dire : je viens à toi pour traverser la route, pour chanter la seconde oubliant la rumeur des ruches bardées d’insolence. Longtemps avant l’envol de la lumière, je voudrais avoir conscience que si nous sommes venus toucher le présent de la Terre, c’est bien pour désigner le moment du partir et du revenir par des verbes forts en tentant de les habiter au mieux. Tu t’es figé en moi et je dois te rendre vivant malgré l’amarrage. Entre le hasard et l’impérieuse nécessité d’être, nos existences seront brodées. Tout sera brodé de -Si- et de -La-. Aujourd’hui, te nommer, c’est pointer mon cœur vers la confiance et vers la délivrance.

La peur qui avance en moi et me déborde est celle d’avoir oublié quelque chose derrière. Ce long couloir noir des souvenirs obscurs, ce labyrinthe de la construction de soi, et puis cette ébauche nouvelle de sang et de chair. Je suis là où je crois être, je suis un serpentin se faufilant entre le trouble des jours sans relâche et le désir irrésolu d’exister pleinement. Entièrement. J’ai quitté la ligne de grumeaux bordeaux où l’opaline et le rubis jouent à la corde à sauter. Je suis dans le couloir des songes, dans le hall de l’initiative et j’attends l’engagement. J’observe. Pour toi, ma main est tendue vers le concevable. Pour toi, j’habite le verbe -entrer- et je sens l’émotion de la joie me remorquer pour aller plus loin. 

Notre excursion est toute intérieure. Je griffonne des murmures sur les plaques lavées du destin nous précédant ou nous suivant. Devant ou derrière, tout dépend où l’on se situe. Dans mon sommeil, tous les reflets de la veille s’inscrivent comme des lueurs de mémoire dans un grand soliloque ramifié aux tourbes de ta naissance. Je n'ai de répit qu’à l’antre d’une grotte à miroirs.

Quel est donc ce langage chaotique où je retrouve dans l’écho de moi-même les images de tes premières angoisses, de tes premières grandes joies ? Je ne pensais pas me retrouver dans la position de mes quatre ans, je ne pensais pas redevenir celui qui tend ses lèvres sur les joues de sa maman. Et pourtant, c’est ma maison que j’ai revue avant de voir la tienne, la nôtre. Je te précède partout où je te cherche, un peu comme un jouet d’enfant ayant connu mille mains avant de terminer son existence d’objet dans la grande poubelle familiale.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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Commentaires
L
Oui, Miche, derrière ou devant, on oublie toujours quelque chose.
M
Que ce texte est beau...<br /> <br /> <br /> <br /> Tant qu'il y a ce sentiment si puissant "d'avoir oublié quelque chose derrière", il n'y a d'autre choix que de faire des allers et retours jusqu'à retrouver ce qui aurait été oublié, ou voir que rien n'a été oublié...
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