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Bruno ODILE
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11 février 2015

Tu as l’âge des moussons

61030b53898c424051cf687262aa92d5070310004Tu as l’âge des moussons lorsque soumis à la tempête, les mégots de temps s’envolent. Il me faut sans cesse apprendre et réapprendre à me libérer de mon vécu autrement qu’en évoquant le dilemme de la fratrie du sang. Entre les lèvres de la pulsion primitive, des oripeaux crachent leurs démons et leurs fragilités. Je souque et je souque, mais la rade est encore éloignée.

Le film noir des boucliers du ciel se dissipe. Faut-il être aveugle pour voir ? Je deviens aveugle pour vivre. Les ruisseaux de la clarté oppressent la buée qui nous sépare. La réalité transfigure mes pensées, toutes mes pensées. Elle se dresse droite comme une phalange de doigt. Elle se dresse entre toi et moi. Elle domine. Même tardive, elle chuinte les rêves, s’incruste dans la parole. Elle parle sans moi d’un espoir contrit dans les mots.

Toutes les morts sont vivantes. Elles appellent. Entre mon cœur et la chair de poule, je tenais une vérité morte que tu as ressuscitée. De tous côtés s’arrache la lumière du silence. Peut-être ai-je perdu la vie des paroles inaudibles. Peut-être, mes reflets ne se reconnaissent plus dans mon visage. Posté par je ne sais qui, le jour arrive comme un mot, comme une syllabe anonyme. Je me risque à exister et à dériver dans la transparence. Une mouette perdue sur la colline cherche les vagues exaltées de la première jeunesse. Mais, la mer, au loin, déraille. J’ai son aile blanche collée sur ma main et le goût du sel sur mes épaules. Ton exclusive présence est dans la perte et le rebondissement. Je fais très exactement ce que je ne veux pas. Mon orgueil jubile et ma vanité sera de me fuir.

Des milliers de pensées avortées croupissent dans les intermèdes de la virtualité. Des intuitions se désagrègent dans le fatras d'une grammaire fatiguée. J’arrive au bout d'un quelque chose d’innommable. Certaines images portent avec douceur les sentiers parcourus. Elles s’habillent de têtes croisées et de regards partagés. Mais, c’est toujours la même aurore vieillie toisant de nouvelles enfances. L’épi orphelin se rappelle avoir conjugué le grain et le blé, la lourde tâche d’enfanter du jaune au creux d’une plaine verdie. Je conserve malgré moi la fougère forestière et le flot des ruches de la vie. Mon cœur bourdonne et le miel est là. Le néant travaille l’explosion des formes de la lumière, des graines de lueurs me traversent sans que je les comprenne. L’alphabet du blanc me laisse dubitatif. Une jubilation étrangère et néanmoins envoûtante me parcourt, après la houle mon corps se répartit dans le chuchotement d’une vérité supérieure.

L’amour qui tient entre ses doigts l’éclaircissement de l’âme nébuleuse est patient. Derrière mes yeux clos, fleurissent des baisers et des sourires recouverts par l’amour maternel. Celui des premières lèvres sur mon front. Celui de la chaleur atrophiant les douleurs. Entre toutes mes déchirures, entre la baie de braises et le feu longeant mes veines, je retrouve tout à la fois mon désespoir et ma raison de vivre. Chair consciente et sensible, tu m’inventes au temps dans son débordement, à l’amour lucide et à la paix des désirs fous. Dès lors, la brutalité de l’existence ne se heurte plus à la douceur partagée et, je respire la broderie de mon être dans toute la délicatesse de l’air.

Non plus cachés à la vue, nos regards auront la vision de la substance de la mort forçant les traits d’un destin embourbé dans une forme de soumission. Qu’ils soient habités de peur, de désirs ou d’ambition, l’instantané demeure immuable et neuf comme une douce invitation à la cohérence de nos sorts. L’unité n’est pas une, mais mille, cent. Mon fils, nous sommes l’extrait d’un bouillonnement ancestral et de l’extase du souvenir éternel de l’univers. Un extrait vibratoire au cœur d’une harmonie de discordes. Tu écris frénétiquement ta présence par ce défi d’évidence : être au monde, vivant d’une chair infestée de tourbillons.

Voilà, tu le sais ! Tu es l’homme en moi, le sursaut d’énergie claquant contre le ciel et la terre. Tu es le talisman aux féminités abstraites en ton corps enfantin. Tu es l’arbre aux branches épanouies embrassant les oiseaux de passage comme une bouche est appelée à dire bonjour à tout ce qui passe. Dans nos salives nous ne trouverons seulement l’ombre vive de la joie. Il nous faudra quitter la parole pour connaître et célébrer l’harmonieuse distance dans la brassée de nos synthèses sourdes. Dans la marge insolente du paraître, nos chimies incompréhensibles dévisagent les météorites qui nous frôlent. Rien ne pourra ranger nos vies de papier, ni la trace intangible du parcours, ni l’oubli.

Combien de preuves faudra-t-il à nos cœurs dans ce monde sensible et invérifiable ? Dans le silence partagé, nos âmes fredonnent des psaumes magiques. Jaillissant du raisonnement possible, ma parole se cristallise au bout du tunnel de l’angoisse terrifiante léguée par je ne sais quelle justification. Cette vie est la nôtre et nous la défendrons. Cette vie est un rêve, et il nous détruira. Conditionnés, nous sommes inopérants. Le délestage résonne dans la circulation du sang à l’intérieur de nos manifestations. Une goutte de nous est tombée dans l’océan. Sans bruit, nous agrandissons le solo de l’incognito. Nous incarnons l’île de nos ventres et de ses coutures.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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Commentaires
S
Un prochain livre avec ce nouveau sujet ?. Toujours d'aussi sublimes lectures.
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