Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Bruno ODILE
Archives
Publicité
Bruno ODILE
Visiteurs
Depuis la création 46 183
Derniers commentaires
21 avril 2015

Je suis ce que je crois être.

imagesEtre un homme et ne pas le savoir ; être vivant et toujours en douter ; être mort et encore dans le couloir de la lumière. Je décèle au-delà de mon souffle, la rosée qui déroute mes envies. Je m’éteins devant le miroir chaotique d’une balance mécanique sans jamais avoir le goût de rompre. La nuit tombée, je redécouvre l’esprit bancal qui flotte dans un noyau de plumes. Mon radeau enchaîne les cascades qui torpillent le calme apparent. Le plaisir des sens est tantôt une ivresse, tantôt une frustration de pardons réflexifs et de contritions. Mes bougies se consument lentement dans un champ d’épreuves, dans le feu clair de l’être. 

Ecartelé entre la vie et la mort, je connais l’alchimie des imperfections qui troublent mes failles. Tout ce que je suis incapable de traduire me laisse dans un non choix. Le vide est une respiration que je n’ai jamais quittée. J’appartiens aux mystères qui donnent vie à une prépondérance inaltérable aux secrets de la matière dont je suis un minuscule maillon. 

Les mots maltraitent toujours l’incompréhension de ce que je suis. L’écriture se déploie comme une sève profonde qui s’extrait à la surface du tronc avant de glisser sur les chemins striés de l’écorce où le corps avance dans l’esprit. Tandis que s’élève une richesse impalpable, la sécheresse qui me tient lieu de refuge tue les fauves fantômes qui peuplent les chemins de broussaille. L’amour qui me brûle et me consume ne connaît pas les cendres froides. Dans le matin, dans le présent, le corps ému, la vie avance et je la suis à petits pas. Je cherche les pistes brisées sous le regard des dunes, là où le vent reconstitue de nouvelles parures. Je suis un buvard pour le café du jour, un filtre pour la folie qui me saisit. 

Gestes roides et malhabiles, mes mots se bousculent dans une frénésie puérile. Sait-on encore l’attrait d’un parcours à sa taille, à ses reflets, à son insaisissable promesse ? Car je viens et je vais dans cette folie soliflore qui se dévoile dans l’ermitage passif et qui se déploie à la commissure d’une Géhenne de médiocrité lascive. De la défaillance creusée en soi, jaillissent d’éternelles passions pleutres et des curiosités accablées par les bouffées pérennes de l’insatisfaction. Que reste-t-il de la pensée qui voudrait me hausser plus haut ? Comment reconnaître le mimosa fantôme qui passe sur mes cimes comme un parfum empourpré de jaune ? 

Il n’y a ici qu’un Moi fendu, un Moi disparu, où s’étale l’herbe dépassée par l’ampleur du vert. Cerveau biné à la hâte et méninges à fleur de crinière, j’exalte l’ivraie avant même la saveur. Partout où j’essore des lambeaux de soleil et de brouillard, la félicité communique avec la lumière. Dans les ténèbres de l’espérance, je suis ce que je crois être. Comment pourrais-je rivaliser avec les leurres ? Je reste sur ma faim dès lors que l’horizon est uniforme. J’ai quitté le chemin pour me replier dans un sourire. J’ai perdu la route, je suis sur tes lèvres moqueuses, sur les larcins de ta bouche. Je n’habite aucun lieu, je vis dans le souffle qui s’envole des brasiers. Je me suis si proche que parfois je me frôle au rasoir du néant. 

Désir sans joie, casseroles bouillantes, je suis tenté par l’angoisse du réel, par la frigidité de la morale qui destitue l’appréciation de mes sens en les accablant par de dures restrictions ascétiques. Sans autre volonté que celle de rompre avec le sinistre des jours boiteux, j’aiguise mes pensées dans la négation de toute magnificence. L’existence n’est qu’une poêle à frire l’utopie. Toute création ne fait qu’empirer l’éloge de la mort. Tout est parfois si vide en moi-même qu’il est vain d’appréhender le chaos à la mesure de sa détermination. Chaque joie révèle la misère qui m’en éloigne. 

Je cours et je saute les haies de mon propre naufrage. Midi s’est décalé de l’ombre perpendiculaire, minuit sonne l’épaisseur qui me conjugue au sort des flammes ravageuses. Tout est foutu avant même que d’exister. Parure sans arme pour me défendre, mon corps est une moue plongée dans le cafard des heures que j’invente. S’il vous plait, sortez-moi de cette souricière et accordez-moi une mort douce, un suicide immédiat, une fin, un renoncement perpétuel qui endigue toute revanche à la vitalité.  

Tout ce que je sais sans pouvoir le dire, tout ce que je dis sans pouvoir le taire, et voilà que je m’enraye dans les vagues du silence. Je m’aligne sur la trace effacée de ma résonnance. Ici, sur cette terre, la joie et la douleur ne peuvent pas fonctionner l’une sans l’autre. Ici, plus rien ne peut consoler ma lâcheté. Chaque matin reprend pied dans l’herbe frissonnante où se déchire la rosée que l’aube malmène. Et je redescends de la muraille du vertige comme une goutte d’infini que le sol absorbe jusqu’à plus soif. Je suis dépossédé du mot de passe que le petit matin enfonce dans la serrure où s’abolit la souffrance de l’ombre transpercée par les flammes du soleil.

Bonheur sans mesure, étalonné sur la courbe des graphiques où l’on calcule le taux et le degré de satisfaction d’un groupe, d’un pays, d’une civilisation : dois-je vraiment vous lire et vous accorder une attention, même distraite ? Oui, cela prête à rire et ce monde est fou. Je ne coïncide avec la réalité que lorsque je m’en détache. Pour ma vie, le bonheur est un état et non une quête. Ai-je besoin d’être dans une situation de dépassement pour ressentir la joie d’exister ? C’est plutôt le contraire. C’est parce que je vibre d’une joie pure qu’elle me transcende. D’ailleurs, depuis que j’ai décidé de ne plus rechercher coûte que coûte la pitié d’un état de grâce, j’accède plus aisément à une forme d’harmonie intérieure. Le bonheur ne peut être une affaire d’emprise et de volonté permanente. Il est individuel et différent pour chacun. Il m’est impossible de comparer la joie que j’ai éprouvée à la naissance de chacun de mes enfants avec celle d’un autre père.  

Plus je plonge dans ma chair, plus je me résigne à l’idée que j’ai de moi-même malgré le décalage qui me façonne. Il y a comme de l’esbroufe dans la vérité que je souhaiterais pleine et entière. Parfois, j’avance et tout recule. Parfois, je romps et tout m’arrive comme le premier rayon de soleil. Je ne sais pas si l’on peut accéder à la joie intégrale en se privant de désirs excessifs. Je ne sais pas non plus jusqu’où la vie mérite d’être vécue. Je suis sur cette terre, présent dans mes actes sans autre passe-droit que le plaisir ressenti. Et puis, cette bouche qui murmure dans le noir, cette voix de proximité, cette muqueuse enflammée contre les mille complots de l'ordre qui me rappelle combien il est préférable de faire l’amour que de faire le ménage de sa chambre. Quoiqu’ il me soit arrivé de laver les sols de cette pièce de sommeil tout en chantonnant comme un pinson heureux de vivre. 

Trop de clichés d’imageries cérébrales embourbent mon cerveau dans les aspérités d’une vision identique à celle que mon environnement et que ma culture m’imposent. Le lâcher-prise n’a qu’une fonction éphémère. Et, si je désire entretenir un véritable face-à-face avec mon essentiel, alors, il me faudra décanter puis décortiquer tout ce sel de vie comme l’on fait d’une grenade mûre. Ainsi, je pourrais, peut-être, m’exposer au grand jour dans la nudité de moi-même. Je rêve tant d’accalmie en ces lieux d’épouvante et de tyrannie du vide.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité