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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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15 mai 2015

Un rêve qui ne transforme pas le quotidien, n’est qu’un songe mélancolique.

sans_titreC’est une avalanche de tristesse qui déboule de la montagne où le loup s’est caché. Plus aucun bruit de branches, la nuit disparaît sous les couvertures du rêve insolent où remuent des images défectueuses. Le cauchemar ne connaît pas de distinction entre le jour et la nuit. Malgré la lumière aigre de la première lampe au fond du couloir, mes mains cherchent la rampe. Tu restes éveillée de ta seule présence dans mon esprit. Nos collines brûlent sans bruit. Tous ces mots enchevêtrés à nos cils, et puis ces campagnes où je n’existe pas.

Il faut sortir de nos paupières closes, aller dehors. Le thym traverse notre jardin au pas de course. Le parfum n’arrive pas à se poser, l’air non plus. C’est un chassé-croisé entre nos cœurs percés d’aiguilles. Personne n’a plus de voix et je n’entends plus que la source nostalgique du miroir vide. Le feu est un bouquet du premier jour. Je ne me perds plus, je m’égare sur le visage du monde. Dissocié, je me rassemble sur la mire intouchable du plaisir rangé derrière les aiguilles. Je veux boire aux couleurs du fleuve, jusqu’à la hauteur des vents.

Un sentier de mouchoirs borde le Mistral qui nous pousse dans le dos. Salves d’air en remous, tourbillons remontant nos narines. Il fallait creuser dans l’ombre longeant le mur. Alors, j’ai ramassé des pierres et des glycines. Un peu de lierre dans la buée des choses sans nom.

L’endroit où je touche à ma parole, le lieu d’unisson implacable, tout cela est pure partie de l’abîme. Dans l’extrémité du vide planent des moineaux et des platanes s’envolent laissant place au canal criblé de nuages blancs. Hors d’haleine, les noms d’oiseaux désertent les branchages en feu. Il ne reste que quelques chiens abandonnés pour répondre aux corbeaux et quelques crânes blancs pour endormir l’espérance amère où demeure le cri initial. Par-dessus la fête noire, le silence déchire les voix contestataires et les chorales imprévues qui s’échappent de mon cœur. 

Nos voix sont fermées à clef, de l’intérieur, et les mots d’amour incendiés se retrouvent dans le désastre des gestes incompréhensibles. A toi qui n’es pas là, je peux le dire, si la mémoire flambe aujourd’hui comme un feu de forêt, c’est que mon cœur s’acharne à brûler l’aube qui t’a suivie. Caravane d’émotions transbahutée dans le jour replié sous la terre. Tes yeux au-dessus de tout soupçon, à la lisère des souffles.

Crémaillère accrochée au silence, je bute encore sur le linge où tu te caches. Il appartient aux étoiles de travailler à la construction de l’infini. Nous parlerons à la terre, aux herbes et aux fruits. Un mot suffira à dilater nos clapotis d’enfant. Nous ressusciterons comme les vieux troncs d’oliviers fendus par le froid sibérien.

De jeunes pousses sont déjà incrustées à la paume de nos mains. Dorénavant, pour saisir les heures enfuies, nous tremblerons comme l’air détonne avec le tonnerre. Rien n’a plus d’audace que le jour pour terrasser toute une nuit. L’intervalle est capital, il retient la bonté du ciel. Il doit y avoir une autre mer, un autre océan, une clé d’eau et de sel. Je nage à hauteur des vagues du monde, je cherche une poésie plus tendue et résonnante. Je ne me retiens pas dans la harde embaumée des enchères du monde. Mes meilleurs sentiments accompagnent l’odeur des éclairs. 

La surprise, c’est lorsque l’inattendu vient frapper à la porte. Le sublime, c’est lorsqu’on est face à face avec son destin, les yeux inondés par le soleil. Pour s’initier à l’artisanat de la joie, il est indispensable d’être soi entièrement et de s’oublier d’un même élan. Il n’est pas facile de résister à l’angoisse ; celui qui réussit tout à la fois à être mal et à s’en plaindre commémore sans le savoir le cycle de son impuissance à être heureux. 

Il me plait quelquefois d’entretenir avec moi un dialogue de sourd et de me parler avec le langage des signes. Code approprié à l’exclamation de mes interrogations. D’ailleurs, un mot dévoilé et dévêtu, reconnu et sans mystère, n’est plus vraiment le messager d’aucune règle, d’aucune signifiance, il sonne juste d’une musique creuse. Un rêve qui ne transforme pas le quotidien, n’est qu’un songe mélancolique. Pour se réinventer chaque jour, il me faut oublier toutes les pensées qui sont l’obstacle à la métamorphose créatrice.

Tu sais, la vie, les encombres, les soucis peinés et les joies fugaces, tout me laisse croire que l’existence n’a d’autre chemin que celui de sa propre déflagration, et que c’est pour cela qu’on avance. On cherche toujours ce que l’on n’a pas et, un jour plus lumineux que les autres, on croit souvent bêtement que si l’on s’entête on parviendra à atteindre les étoiles cachées en nous-mêmes. Nous ne sommes pourtant pas dépouillés des beautés qui dansent tout autour de nous. Tu vois, en ce qui me concerne, lorsque je suis privé de joie ou d’étincelles, je fais semblant. Et je peux t’assurer que ce n’est pas pire que bien d’autres alternatives hypocrites. Bien au contraire, à me déjouer ainsi, j’en viens à mieux m’accepter dans ce grand théâtre sociétal. Ma raison est la source des codes qui me maintiennent debout, mais elle est, aussi, le bord de la falaise de laquelle je m’élance. 

Ecrire n’est pas une liberté nouvelle, c’est l’explosion de l’humeur que l’on ne peut contenir, c’est l’organisation désorganisée des rites de l’émotion. Chaque graine reconnaît dans sa chair le projet un peu fou de la transformation qui lui permettra d’accéder à la lumière.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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