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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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26 octobre 2015

Le présent de la mort (Ou la mort au présent). (5)

imagesOOUZVZF7Mais comment vais-je pouvoir aller jusqu’à toi ? Morbide froid où la courbe de tes yeux est devenue le rectangle du dépotoir et la poubelle des mots. Nous sommes séparés par des voyelles d’amour, cette musique du langage un temps mariée à l’exclamation et aux virgules séparatrices des rythmes haletants. Tu fermes mes yeux et je te vois encore. Sous la coupole de mon cœur rampent des mots vêtus de noir. Une dictée de voyelles squelettiques s’échappe par la bouche des veilleurs de chagrin et une fumée grise se meurt dans le cimetière de la voix. Dois-je mourir aussi pour que nos mains se touchent à nouveau ? Je t’appelle et tu ne viens pas. Mon cœur se déplie comme le drap qui te couvre. Mais la Mort ne dit rien. Elle tangue.

Au loin, tout au loin, des lèvres carmin embrassent mes paupières brûlées. Une voix ingénue accomplit, sans gène, des girouettes macabres. J’écoute Concerto pour une voix de Saint-Preux, mais ton cœur n’y est plus et ce vide m’étouffe. Trop de jours s’accaparent les ruines restées dans mes mains. Nos marelles d’enfants n’offrent plus l’espace nécessaire à nos pieds sur la terre pour qu’ils se posent. Ma parole griffonne encore quelques murmures à ce ciel improbable qui demeure inaccessible. Ta Mort confirme mon infirmité à posséder le temps. Une poignée de plumes d’ange s’envole et la profondeur des cieux me retourne en boucle l’écho de mes frissons.

Ton miroir est vide. Le temps est passé. Où va-t-il ? Que peut-on conserver lorsqu’il n’y a plus rien à oublier ? Je ne peux rien garder ici. Tout se soulève. Des feuilles sèches tourbillonnent, le vent est devenu une spirale gigantesque. L’oubli est le pardon des indigents. Indigence de la vie assombrie, indigence de l’émotion fragile comme un cristal. L’exécution du senti se prononce à chaque aube naissante. La blessure est doublée de mousse spongieuse. Là-bas, dans la cour de l’innocence, il y a un poteau solitaire où s’attachent nos âmes. La richesse de la terre est ensevelie sous sa peau. Et, il nous faut creuser, gratter, fouiller, pour redécouvrir la graine perdue.

La semence aux abois rêve à ses futures racines. Tu es un voile d’eau claire sur mes yeux. Tu es la bulle d’air remontant des profondeurs pour se cogner à la surface plane qui nous recouvre. Nos langues sont cousues l’une à l’autre. Les mots sont fourrés comme des biscuits à l’orange. Tout est blanc comme une nuit sans sommeil. Une course de reflets ignore nos poitrines pourtant ouvertes. Tout ce que l’horizon avale est ébréché. Emietté en mille cristaux insolubles.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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Commentaires
L
Merci, Ariaga, de ton passage et de ta lecture.
A
déstabilisant et ... magnifiquement poétique.
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