Présomptions.
Le silence précise la faille d’où je viens, décuplant le coup de masse sur l’atavisme qui me brise en miettes. Il occulte l’embouchure de la conscience intuitive et spontanée du néant.
La parole m’est un pied et la solitude un autre. Souvent passager clandestin au cœur même de ma chair, j’en suis réduit à renifler la lente pénétration du soleil sur ma peau.
Quête infinie,
la matière se dérobe
dans la brume froide
et je fais de même.
Le souffle caustique m’ennuie
et m’enduit d’une graisse infâme
propre à désaltérer les noces imparfaites
des sens et de la raison.
Habitudes lassantes du geste répété et de la parole mille fois exprimée, l’apparence des choses occupe trop sévèrement les formes et les figures que l’esprit lui impose.
Une gerbe d’amour couronne le ballet perpétuel des cendres livrées à la terre.
Sauvages décors de la nature exaltant mes sens, je vous élève au cœur des splendeurs jaillissantes. Mais, en vérité, je marche aveugle sous chaque bruit, sous chaque regard impossible où le rien devient une sentence pour le refuge usé du partage.
Dans la tanière de mon corps,
la clarté s’épelle comme une dictée à ciel ouvert.
Dans la gravité d’un nuage
à la fois proche et lointain,
j’entends toujours l’écho
du murmure et le froissement de l’infini.
Jamais pierre qui roule n’amassera
la tisane concoctée
par la cascade des mots rêveurs.
Je repose tout entier sur une forme divisée, une peinture fragmentée entre le dégoût d’un monde assassiné par sa violence destructrice et la débâcle qu’elle engendre. La vitalité est la cible des griffes humaines, elle coagule le partage innocent malgré l’abondance des perspectives qui s’offrent à nous.
Chaque espace vidé de passion joyeuse s’effrite sur le mur des lamentations passives.
Tout est dérisoire hormis cette lumière survivante restée sous la pierre. Tout est futile en dehors de cette niche d’herbes où meurent et renaissent les minuscules boucles de la perception.
Pressentiments d’une attente
gravée dans le souffle.
Au fond de mon être,
une sève blessée impose
l’idée d’un épanouissement,
d’une ascèse renversée puis renouvelée
dans sa propre défaillance.
L’impensé à jamais informulé ressemble aux balayures encore tièdes nourrissant une fleur sacrifiée au vide qui nous dépasse. La floraison intérieure enfle le silence de l’énigme première qu’une neige permanente recouvre et isole de la surface qui nous ôte du monde.
À peine suggérées dans la pénombre,
des lèvres bien rouges et mordantes
insufflent une vapeur d’eau arrachée
au sol de nos fondements.
L’influence du milieu morcelle toute l’immobilité apparente. Dans sa représentation floue, la fixité devient vite une raison d’être pour l’esprit complaisant. Rien ne bouge là où nos pensées se disputent un bout d’éternité.
Il y a quelque chose de radical dans cette perspective. L’unité n’est pas une mais multiple. Elle fusionne avec le tissu fragile et sensible des feuilles dans lesquelles elle va chercher son point d’appui.
Dans une solitude
aussi précieuse qu’habitée,
Me faudra-il
à chaque respiration
exhumer cette confrontation
avec la précarité de mon pas
et à la force des éléments ?
- Bruno Odile - Tous droits réservés ©