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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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20 mai 2016

Toute connaissance présuppose une ignorance.

nufemme121Ô combien il me plairait de ne pas renoncer à la joie en donnant un sens aux jours qui viennent ! Ma solitude est une porte défoncée, un levain sans adjonction, un ébruitement de l’ombre mourante à la lumière. La joie est punie lorsqu’elle reste sur le seuil, redoutant l’accomplissement comme une culbute prévisible. Un croche-pied à l’assiduité des épreuves et des délits. Une dégringolade pitoyable que la crainte et le doute s’empressent de tenir à l’écart. Des lumières naissent sous les dalles du silence. Quelque part, dans la neige toute entière, se cache un flocon noir et tremblant qui envenime la masse blanche.

 

La vie est à l’aise lorsque tout se tait. La vibration est l’excavateur où se laminent les boutures semées dans nos moelles. L’amour nous éprouve par son exigence à vouloir unifier deux êtres totalement distincts. Il perfore le miroir où se renvoie l’image de nos ego. Une clôture translucide nous entoure comme les anneaux de Saturne et, pour l’instant, tu demeures cette orbite solaire enveloppant le vague des étendues disloquées.

 

N’aie nulle crainte, nous marcherons doucement pour mieux débusquer les reliques de nos rêves ensevelis dans la vase. Nous avancerons pas à pas pour mieux déchiffrer le maquis dans lequel nos visages ont disparu. Nos moelles ne conserveront pas indéfiniment le secret que la nuit débobine comme une pelote de souvenirs laissés en friches. L’énigme s’oubliera elle-même dans le jour qui ne pose plus de questions. Nous toucherons ce qui reste et qui n'existe plus et nous parlerons de ce qui existe et qui ne reste pas. 

 

L’acceptation nous confond davantage. Accepter, c’est dire la mort qui nous rassemble, c’est emporter avec soi la morsure du vent sur la poitrine mouvante de nos tendresses. L’écriture est là comme un jardin pour nos corps de poussière. Elle provoque et contourne tous les volumes où s’engouffrent les êtres vivants dépités par la blessure dévastatrice. Bientôt, nous serons ensemble dans le mot comme dans une gerbe de feuilles parfumées. Tes gestes sont des sourdines chevillées aux pieds des garrigues et ta voix emprunte le Mistral pour clamer la résurrection de la beauté. 

 

Entends-tu, toi aussi, claquer les portes et la bourrasque qui s’immisce ? Derrière nous, la terre est immobile et désolée. C’est une lande à repeupler, un territoire à vaincre par de nouveaux serments. Nous fécondons les pierres qui nous recouvrent. Une île vivante s’enlise. Nos cœurs sont des ficelles qui flottent entre deux eaux. Un sésame ouvre nos brèches. Dans mes tripes, je t’entends retentir comme un bris de vitre après un coup de tonnerre.   

 

Belle aurore aux yeux tourmentés, tu te répands encore là où tout n’est que faillite. Nos mains fanées ressemblent aux feuilles que les arbres relâchent chaque automne. Le ciel se donne des gifles lorsque tu t’envoles parmi les rêves cloués à l’aveu du jour qui grimpe dans ses miradors de lumière. Il nous faut quitter toute résistance et nous confier librement à la nature de nos êtres. Parfois, mon cœur est cette pincée d’eau cherchant l’issue la plus proche.

 

Regarde, dix-huit ou vingt lumières demeurent accrochées au bracelet de nos enfances. La clarté a la beauté de tes yeux lorsqu’ils se tiennent debout sur l’écho couché devant eux. Dans chaque amour naît une prison de coton et d’épines. 

 

Nous habitons le monde dans la dispersion inévitable qui peuple la route invisible reliant notre entendement à notre cœur. Nous allons vers nous-mêmes, hors du réduit des courbes, hors de cette vie de misères vacillantes. Nous nous sommes chantés par ce filtre de lumière où nos voix se sont rejointes. Nous avons écouté nos messes d’amour et de désastre au cœur même de notre église intérieure. Chaque silence est devenu une ascension vers ce sanctuaire où le dépouillement ouvre la voie à cette unité d’émerveillement. Notre fatigue meurt dans le vide et l’essentiel nous rappelle. 

 

A son commencement, le détachement est brimé. Il marche dans les roseaux, il se dérate à l’ombre des cailloux, il fuit l’instant qui le condamne à suspendre les salves d’émotions.

Ton visage s’agite dans ma mémoire. Il me faut exclure ton regard resté dans le raffut des naufrages. Couper l’amarre. Couper le lien. Partout des épines, partout des griffures. 

 

Au petit jour, nos cendres se couchent sur le vent. L’ardoise a l’odeur de la craie. La main du désir a retrouvé la porosité de la nuit. Mon corps cherche à virer à bâbord. Et puis, il y a cette impression que tout piétine. Mon enfance est redevenue le berceau des premières aubes, des premières fuites. Les jambes fuselées de notre avenir poussent des cris innommables. C’est l’écartèlement entre la matière vivante et la suie des heures écoulées. Le jour se reconstruit dans tes yeux. Je n’ai rien préparé. Je n’ai aucun bagage, mais il faut partir. 

 

Ton présent sur mon présent, j’avance vers la déchirure. Je ne dis rien. Il fait froid et vif. L’air des sommets de givre glace ma langue. Comment apprendre à se détacher sans dégeler jusqu’à la première empreinte ? Il n’est plus question de regarder autre chose que la clarté au fond de l’eau. J’ai peur. Avant toi et après toi, le néant. Le vide absolu qui ne sait rien de l’émotion. 

 

J’entends la nuit ruminer et ma bougie laisse deviner quelques silhouettes tremblantes sur le mur de ma mémoire. Des bouffées câlines s’échappent de moi. Une rose du désert attend la pluie qui la fera se dissoudre. Je plie sous l’assaut des « il était une fois pour toujours ». Une horde d’abeilles se ruent sous ma poitrine. L’essaim est mort, les alvéoles pleurent du miel. Je me larve dans mes cicatrices en priant le ciel pour qu’il ne me tombe pas sur la tête. Ma sincérité est une onde fragile, ma mémoire me lâche, j’ai dix ans. Ton regard sera peut être une poignée, peut-être une catacombe.

 

Ma main est sur ton ventre. Sa faim me brûle. Donne-moi à boire, ma langue est à ton chevet. 

 

Les frontières du vivre sont mouvantes. Les ombres soudées à nos pulsions nagent dans la flaque tuméfiée d’assertions inutiles.Je te dis l’empressement du silence à recouvrir notre histoire et tu sembles trancher le temps à vif. Les ombres sont dépecées et l’air décharné. Faute de merles, des grives.Nos vies précédentes sont étalées sur une planche boursouflée de cristal. Le mouvement leur sera fatal et je tremblote dans la démesure de l’appréhension. 

 

Nous sommes périssables. Nos matières d’illumination se dissimulent dans les cellules de nos absolus. Nous sommes un mélange de vin et d’alcool.

 

Nous étions poche d’eau avant d’être réservoir de sang. Nous étions une écuelle gorgée de rouge après la saignée. Un tressaillement d’éther vibre dans nos veines. Nulle perclusion ne peut être propice. Nous nous vidons néanmoins. Nous sommes abattus et la vidange des liens vivants nous terrasse sans contrepartie. 

 

L’effacement de nos cris est simulé dans l’obscurité. Des ombres voyagent au-dessus de nos têtes sans que nous sachions si elles s’échappent de nos crânes.

 

Toute connaissance présuppose une ignorance. Ou le contraire. Qu’importe ! Nos cœurs s’enténèbrent. La vérité jaillit dans sa dualité inconcevable. Elle crache nos arguments avec l’ambiguïté fratricide qu’on lui connaît. Mais nos rejets demeurent incompressibles. Nos mains disparaissent et les mots qu’elles tenaient fermement serrés se sont dissous au chagrin décapant. La lumière nous envoie en l’air. Nous flottons. Nous quittons le mensonge affligeant du sentiment qui délabre notre royaume. Le soleil finit par effacer la trace cristalline de nos sucres partagés. 

 

Nous habitons désormais la forme vide de nos pensées. Tu parles à ma place et ta pensée domine la mienne. Une mosaïque de vertige s’essuie sur ma poitrine. A l’embouchure de nos gestes éteints et de nos voix fluidifiées, nous nous tenons à la poignée des intervalles du monde. Nous sommes deux et pourtant deux n’est plus rien. Une branche lourde cède à l’éclair et tes yeux sont toujours devant les miens. 

 

Nous avons décloué les croix et défait les madriers qui nous servent désormais de radeau. Nous flottons parmi le tumulte des énergies et nos plus petites particules s’interrogent malgré tout : pourvu que le bonheur existe !

L’identité du monde accueille nos visages pelés et nous divaguons ça et là sans surveillance.

 

Une présence faite de peurs, de fumées et de grimaces tourbillonne dans le vide. Mémoire à laquelle je ne peux rien extraire d’autre que des tatouages nus livrés à des promesses compactes. Derrière chaque mot un chaos en rut. La parole est chahutée par le hurlement de la mort. Le suicide est ce vieux tronc d’arbre auquel on a arraché les racines. Toute la nuit je marche sous la pluie et j’attends le vent. Et lorsque les branches s’agitent, je cours, déchiré comme cette feuille que tu as laissée sur le bord de ton lit. 

 

Dans l’ombre une présence s’en va.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés © 

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