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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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21 mai 2016

De l’absence à l’amour.

peintures_peinture_stylisee_d_un_nu_de_femme_5621049_img_2274_59c9b_60aee_bigLe bonheur provient par l'accomplissement du désir, mais je ne suis pas sûr, d'une part, qu'un même désir ne se représente pas plusieurs fois et, d’autre part, qu’il ne soit pas souhaité par le corps et l’esprit en même temps. Je refuse d’être à la merci d’une accumulation de souhaits non étanchés.

Cependant, l’ardeur est parfois souveraine et mon esprit capitule. Le libre choix se soumet à l’exaltation de mes sens. Je ne suis donc plus l’être pensant, mais un simple assouvissement contrarié ou pas. 

 

Le feu se cache sous la cendre d’un ciel mort. La clarté naît toujours de la douleur que le soleil éprouve pour déployer ses rayons incandescents. Il faut savoir se donner raison lorsque l’on attend. Il est des courses sempiternelles. Il y a ceux qui courent, ceux qui attendent et ceux qui déclinent le courage de transgresser l'interdit. On est toujours la représentation de l’existence que l’on a.

 

Il n’y a pas d’amour assez grand pour guérir toutes les carences de l’Etre. Il manque toujours quelque chose. Pourtant, sur le bûcher de l’eau, le désir s’enflamme d’une simple vague. A tord ou à raison, c’est le méli-mélo de l’imperfection qui domine et nous terrasse. La satiété existe seulement dans les rêves de mille cotonnades soyeuses.

 

Quelques pierres sur le bord d’un ruisseau touchent à la fraîcheur matinale et je cloque instantanément comme une bulle sur le miroir de l’avenir. Demain, il me faudra renaître dans l’enchevêtrement des porcelaines de l'aube. Et si le hasard vient frapper à la porte, je lui donnerai un sens, un nom, un jardin d’acclimatation pour l’accueillir ailleurs que dans la rocaille.

 

Je demeure fasciné par la goutte d’eau qui glisse sur la feuille. Il y a un message dans l’équilibre précaire de la nature. L’ignorance se conjugue à l’illusion lorsque la défaillance et la misère nous privent de la lumière espérée. 

 

De quelle sagesse pourrions-nous nous vanter ? La sagesse n’existe pas. Tout au plus, nous convenons de faire l’impasse sur un désir particulier en nous convainquant que c’est mieux pour nous et pour notre devenir. Nous fabriquons ainsi des nœuds à l’intérieur de nous-mêmes. Leurs poids dépendent de notre appréciation vis-à-vis du manque ou de la carence qu’ils peuvent signifier. 

 

J’ai faim et le régime que je m’impose n’a de sens que pour la raison qui l’a souhaité. Je mange comme un goinfre et mon corps pâtit d’une surabondance. L’équilibre n’est pas une simple convenance, il devient impératif pour tous ceux qui ne veulent pas marcher sur la tête. 

 

Faut-il altérer sa soif, sa faim, son désir ? Se soumettre à des règles élémentaires d’hygiène est souvent une contrefaçon à nos instincts. La gloire de l’Homme repose alors sur l’emprise qu’il a sur lui-même, sur l’ordre qu’il réussi à conserver, sur son autonomie lui conférant une suprématie sur ses actes. Mais que devient la notion de bonheur dans tout cela ? Faut-il céder aux diverses tentations qui nous appellent ou ne s’autoriser que celles qui nous semblent être équitables ? 

 

Dois-je également me satisfaire de petites joies alors que mon appétit est gargantuesque ?

 

Sans une foudroyante introspection de nos cicatrices existentielles, il est improbable que nous puissions nous développer avec la pleine rassurance d’un corps bien fait avec une tête bien pleine. Par l’absurde, je dois admettre que l’opposition éprouvée se situe entre ce que je veux et ce que je n’obtiens pas.

Que dois-je faire du libre espace demeurant entre ma conscience et mon imaginaire ? Dois-je m’affairer à rêver l’existence que j’aurais pu avoir ? Rien n’est moins sûr. 

 

Mon désir ricoche sur le souvenir. Enfoui dans mes entrailles, il remonte à la surface pour se mettre en mouvement face à mes évidences. 

 

Je suis né de la rivalité entre l’absence et l’altérité. Je suis né de l’affrontement des volontés contraires, je suis une aventure où le combat de la matière s’évapore. J’ai la peau rouillée à force d’être poncée. Tutrices déglinguées par les oppositions, mes ailes sont des racines.

 

Je voyage en moi pour te rencontrer. Les centaines, les milliers de sarcasmes qui résonnent comme des pipelettes sont d'une architecture déséquilibrée, aux formes extravagantes, avec des toitures et des chutes absurdes ou inutiles. La foi nous guide davantage qu’une conviction subliminale. La foi est cette heure impénétrable dans laquelle se réfugie l’origine de toute existence. Elle est ce -je veux y croire- inaltérable qui nous seconde dans nos petites voix intérieures.

 

Il m’a fallu reconsidérer les muscles du temps, son agonie persistante, ses vigies démoniaques et sa dureté implacable. Tu te rends comptes ! La mort dans sa puissance nouvelle m’a parlé jusqu’à l’étranglement. Elle m’a insufflé son discours de tunnel blanc, son creux et son vide strident, déchus dans un arc-en-ciel où sombrent tous les rêves de l’humanité. 

 

J’ai glissé puis j’ai dérapé sur cet asphalte d’ombres graisseuses. Nous n’avions plus rien à dire et les mots étaient devenus des relais de composition florale. Un muguet dans la voix, une rose dans la gorge, un pétale de coquelicot sur la langue. Au loin, une moissonneuse batteuse faisait chanter le blé et je me détachais du monde en désapprenant la vigilance que j’avais conservé du vide.

 

Sur ce trottoir fendillé, nous ne disions rien. Ici, le langage s’était envolé dans l’imaginaire cuvée des mots qui s’effeuillent avant d’être partagés. Ils flottent encore dans ma tête comme des images déformées par la buée de nos haleines. Ma pensée a froid, ma pensée est une congère. Il fait un temps de neige et pourtant la température du cœur, ce réchaud d’oxymores, ne cesse d’augmenter.  Le monde se régénère dans l’embonpoint du vide. L’air manque de transparence, il s’étouffe. Les étoiles sont sur une portée au-delà du mur du son. La terre en orbite du soleil dérape de sa trajectoire naturelle. Le trou noir empiète l’aire dévissée. Nos amours sont dans la cavalcade infusée aux ombres qui rétrécissent la lumière. Une lampe d’Aladin renaît dans le noir. Nos pieds sentent le sol disparaître. Nous décollons vers d’autres abysses. 

 

L’amour est une résistance furieuse. La violente émotion qui a crevé l’abcès de l’égoïsme laisse sa trace indélébile dans les profondeurs de l’existence. Je ne cesse de t’aimer et de me recomposer comme le caméléon change de couleur selon le lieu qu’il occupe. Ta voix est partie au loin dans la campagne et je la retrouve dans ma forêt. Ton absence fait briller les bougies qui se sont allumées après ton départ. La nuit n’est plus pareille. Le noir s’est agrandi de ta lumière. Ton absence est un nid d’amour, un abri moelleux perché au-dessus du désordre. 

 

Dans l’obscurité, nous ne savons rien de la mort et cependant elle nous éclate à la figure lorsqu’elle frappe de plein fouet un être cher. Des morsures anciennes, il ne reste que les cicatrices cousues avec le fil blanc de la patience. A présent, la chair se préserve de l’air qui pourrait contaminer tout le corps.

 

Peu importe où tu t’es arrêtée, dans quelle heure tu t’es dissoute. Je dois tout recommencer. Je dois réapprendre à marcher, à boire et à manger. J’avance doucement pour éviter l’écartèlement et l’indigestion. 

 

Mon corps est celui d’un enfant et ma tête a mille ans. L’infini n’a pas plus à offrir qu’une friche abîmée dans un seul cri, dans un seul gouffre. L’amour est un aveu d’impuissance irrémissible. Tout au bout de la mer et dans la discrétion des brumes, mon cœur se fissure dans un fracas d'épave. Aimer est sans aucun doute le plus grand cri de détresse que je connaisse. Un écureuil, affolé par le bruit du chaos, se replie dans l’obscurité des branchages. L’air pollué se purge dans la clarté des neiges éternelles. 

 

Tu m’as dit « je t'aime et adieu » et voilà que je m’enfonce dans l’eau froide des profondeurs sans nom. Je plonge dans cette nuit liquide, insondable et tu vois s’effacer mon visage. Enfin noyé, je résilie les contrats et les forfaits d’un cœur aux abois. Tout au fond de moi, j'engloutis tes mains, tes gestes et ton sourire, et par ce naufrage, je suis esclave de l'amour où seul l’adieu m’affranchit.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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Commentaires
S
Tellement conditionnés par les vertus du bonheur, nous en oublions parfois la simplicité. La nature nous offre ses bras chaleureux pour des instants précieux. Parfois cela me suffit,.. Parfois, le souvenir de ceux qui me manquent éteint les braises qui me réchauffaient. Finalement,chacun a sa propre version du bonheur, fugace et imparfait comme nous..
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