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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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12 juin 2016

Passe le jour, passe le temps.

021Le temps s’accueille comme un cadeau. Chaque choix est un couperet pour les centaines d’autres qui auraient pu fleurir dans nos cœurs. Ici ou ailleurs, c’est toujours en soi l’apaisement et la tornade. Le Rhône emporte les vieux troncs déchirés, la Camargue boit toujours aux pattes des flamands roses qui s’envolent colorer le ciel.   

 

A nouveau, le désir provoque le présent. Il cogne à la porte des retenues. Il accompagne le hululement des chouettes cachées dans la nuit noire. L’eau de tes lèvres est pillée par l’envie qui me préoccupe. La vie, comme une mémoire à mille pattes, traverse la gouttière où s’entassent les débris de nos rires. Le désir est plus violent que les papiers froids, plus torrides que les relents de nos dérives. Il signifie l’injonction avec laquelle on se dresse comme des chevaux se cabrent.  

 

Nous sommes enfermés dans le trémolo qui n’a jamais quitté le sac de nos entrailles. Deux barytons aphones se disputent encore la mue de l’octave qui un jour déchirera nos voix. 

 

Ce ne sont plus les jambes de la nécessité qui parcourent la terre des labours et des semences mais les yeux désespérés de leur solitude. Un vautour survole le marais. Nos mains planent au-dessus de l’enclume cachée dans nos buissons. 

 

Mémoire cellulaire, tu souffles sur mes braises et je m’enflamme à nouveau dans le repenti des clairs-obscurs. Une autre fois, un autre jour, nous creuserons le sable. Une autre fois, un autre jour, l’heure disculpera le temps de sa ronde imperturbable. Plus tard, je le sais, nos obstacles s’évanouiront dans l’oxygène de la respiration, elle ressuscitera le silence aérien de son écume suppliante. 

 

Zigzags ininterrompus, il n’y a rien au sommet, rien à droite, rien à gauche, ni à l’envers, ni au-dessous. La lune regarde sa face cachée : il n’y a rien. L’intention hurle son projet dans le noir : elle veut voir un arbre tout vert au centre du désert. Le désir naît dans le berceau inconscient des sources du monde. Deux mots déposés sur la langue comme deux sucres. La parole s’évente en même temps que fondent les minuscules grains blancs. La pensée s’invente là, au pinacle du vide auquel on a suspendu une raison d’être.    

 

Passe le jour, passe le temps. Je t’écris perché sur la pendule de l’univers. Chaque mot correspond au tic-tac qui résonne sous ma peau. Ma respiration est anémiée chaque fois que l’air joue à cache-cache. Ma liberté se résume à accomplir ce qu’il m’est impossible de savoir. Pour me rassurer, j’ausculte ma peau et mes sens. Je touche la marionnette qui s’incarne dans le jour qui ne sait rien de la lumière qu’il transporte.  

 

Passe le jour, passe le temps. Nos visages filent comme des éclairs poursuivant la cime de nos pensées. Le désir colle au présent comme une narine s’écrase sur une vitre. Tu ne dis rien, pourtant j’ai cru entendre. Des voix circulent en plein air sur des chemins alvéolés. La voie lactée ignore le lait qui traverse mes veines. L’obscurité est la garante de ce qui se tait. La pénombre apaise la violence des foudres qui arrachent tout sur leur passage. Le silence est le recours extrême. Il perce les tympans du monde.  

 

Passe le temps, passe les jours. Aveugle de moi-même, je bêle dans mon sang qui se rebrousse comme une mayonnaise se refuse à épaissir. Je suis vivant et ne cesse de mourir à l’intérieur de toi. Des tremblements incontrôlables secouent les grelots de mes peurs et de mes douleurs. Je marche, pourtant. Je marche et je marche dans tous les sens mais aucun d’entre eux ne m’indiquent où je suis. Seul, mon cœur fidèle à lui-même s’enracine dans l’écume renouvelée de mon présent. Et j’entends l’unique musique de mon corps chanter sa mélodie éphémère. Je suis une respiration. 

 

Etre pour faire, pour dire, créer, donner, prendre, recevoir, plastiquer, refaire, redire, parler, s’essouffler. Et puis, s’en aller, repartir et s’étourdir d’être encore là où l’on n’est pas. Un éclatement berce l’éclair replié sous les paupières. Tu dors et j’escalade tes songes.

 

Il n’y a pas d’existence sans la nuit qui la précède. Il n’y a pas d’amour sans le péril susurré par les lèvres tuméfiées du désarroi. Il n’y a pas d’aboutissement qui n’ait été d’abord précédé par un anéantissement. Rien de ce qui me fait n’est mien. Tout est un ferment d’apocalypse. La terre a cessé de tourner dès l’aube aratoire et la scarification du premier bourgeon. A l’ovale des jours, des parallèles fragiles complotent dans le silence des géométries incertaines avec le trou noir des autrefois. 

 

Mon sang est le goudron de mes yeux et tes mains bitument l’asphalte sous les os. Nos langues se sont déliées, nous savons à présent que l’existence s’invente bien avant la vie. L’art, par sa création, ne décrypte rien de ce qu’il propose. Il subjugue en amplifiant la conjugaison des liens humains. Tu me changes et tu me prédisposes à l’angle qui retient la traîne de l’éveil. Tout se déroule et se désembobine aussi sûrement que la lumière ronge nos cœurs. Nos chairs épousent le gant invisible avec lequel nos voix plagient des alphabets morses. Nous possédons le toucher que nous incarnons. Le temps demeure là où nous nous effaçons et la vie s’accomplit hors du baptême des heures. Le temps s’arrête et nous ne sommes plus que le fruit de la rencontre, le lien inaltérable qui nous rehausse.

 

Des boîtes de conserves brinqueballent derrière nos pieds. Le réel n’est réel que dans l’élan qu’il accomplit.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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