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Bruno ODILE
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2 juillet 2016

Joie d’exister.

6051336Dans mon jardin, sans penser à rien, j’ai la mire du jour sous la dent, l’œil converti par l’irrésumable brûlure du mot amour, et je pose la main sur tout ce qui est beau. Je cultive un monde naïf et sincère, où le couteau qui coupe la salade renoue la vie dans mon ventre. À deux millimètres de la raison, tout est à sa place, tout concorde. Rien ne va de soi, mais tout parfume l’ordre des choses qui m’échappe. Le ciel semé d’étoiles me renvoie des lumières éteintes depuis des siècles et je bois aux liqueurs invisibles qui abreuvent la parole de l’incommensurable.  

 

La vie ne change pas, elle se reflète en boucle. Chacun de nous en-quête sur le sens à lui donner. Pourtant, nous le savons sans le savoir, tout est là qui nous est donné, offert. Dans la chair de notre conscience, demeure cette clarté souvent endolorie ou invisible pour l’œil chargé de préjugés ou de lassitude : la joie. Celle d’exister malgré la question qui tue, malgré l’ignorance, le non-savoir, malgré l’aube qui renaît d’on ne sait où chaque matin. Plus encore, la beauté simple d’une fleur s’extirpant de la terre, flexion après flexion, dans un élan imperturbable, pour fleurir nos regards de l’immense bouquet de félicités qui nous environne. Non, ce n’est pas de l’enthousiasme, c’est de la contemplation. La joie s’économise, elle tricote son bas de laine pour les moments difficiles, elle recoud l’intimité à l’intelligence, l’oiseau avec les nuages, le poisson aux algues. 

 

Je suis né dans le regard du jour, dans les plis de l’amour. Je suis le fruit d’une lente et indécise parole, d’un mot sourd resté perché sous la morsure du temps. Je reviens, les mains pleines, le cœur gonflé de pâquerettes, guéri de moi-même, comme une étoile abandonnée au cœur d’une constellation, soignée des images belliqueuses et laconiques. Mes sens atrophiés se perdaient dans l’effluve des consommations arbitraires. Les arbres et les herbes m’ont dulcifié et apaisé. J’ai quitté la citerne d’abondance où baignent encore quelques miettes d’illusions perverses. Je me suis lavé aux fontaines des mirages en feu et j’ai goûté à la proximité de la paix, aux joies téméraires qui marchent sur des cendres.  

 

Le chaos s’est dépeuplé, rien n’existe autrement qu’ici et maintenant. Dans le souffle de l’instant, hier s’effondre et demain rebondit. Je sauverai ma peau en arrachant de la résignation ses plus belles paroles : « Le Monde comme Volonté et comme Représentation » (1) ouvrira ses portes à l’agonie de la raison. Et, je repeuplerai chaque seconde en mâchouillant l’exil et la solitude qui me propulsent vers la rencontre, au lien sacré qui augure les hommes et la nature dans la même litanie.  (1) Schopenhauer, première édition, 1818. 

 

Quand j’écris, je me préoccupe de tout ce qui doit être jeté à la poubelle. Le mot n’est jamais absolument juste, il collabore avec la règle qui l’a fait naître. Chargé de ses préoccupations, il dévisse et interprète le poids d’une réalité abstraite. Il signe avec plus ou moins d’élégance le trajet d’une pensée furtive, libérée un instant pour témoigner du tremblement de l’esprit. J’écris comme je sens, et les mots peignent comme ils peuvent le froufroutement du frisson et l’émotion qui m’inspire.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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