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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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16 août 2016

Autopsie de l’élan perdu.

ernst_ludwig_kirchner_femme_nue_ajustant_ses_cheveuxTout commence par une phrase jetée du haut de la tour de garde. Puis, il faut déblayer l’espace parcouru et déblayer encore. Toutes les peintures s’effacent pour ne laisser place qu’à un vague arc-en-ciel poisseux.  

 

Hier, la pluie lavait les carreaux. Hier, le souffle des frissons réécrivait des stances d’harmonie passagère. Hier se faufile incognito dans les failles tubulaires de la mémoire.    

 

Les mots s’en sont allés. Ils suivent le courant qui les emporte. Ils respirent sur le chemin entre les murs, entre les fleurs. Ils taillent les baies rouges qui jadis bordaient la route des caresses. Le vide commence alors à nourrir tous les lieux solitaires. Les vignes du néant prolongent l’agonie du manquement, de l’abandon et du recul. 

 

A contre-sens ou à double sens, l’esquisse matricielle du jour s’étend au-delà de ses frontières. Seul reste le sentiment imprégné à la toile. Collé sur d’anciennes pensées, tout est renouveau, tout est neuf. Une couronne de muguet blanc orne déjà les plaies futures. 

 

Je ne reviens pas à pas vers l’ombre du drap qui m’a vu naître. Je titube sur l’élan immaculé qui m’a porté jusqu’à l’enfance. Mes yeux glissent sur le rétroviseur, je coule d’avant en arrière. Je patauge sur la ouate encore fraîche de mes premières années, de mes premières pensées. 

 

Gésine poreuse,

délivrance impalpable,

le trajet à rebours fixe des angles,

greffe des cercles.

Toutes les surfaces s’empilent

sous les ombres du contrecœur.  

 

Là-bas, j’ai laissé des franges, des foulards et des rubans à sensations. Là-bas, la parole est muette et le sang au bout du cœur décline les certitudes évaporées. 

 

Dans ces ruelles où la vie s’amenuise, ma respiration joue encore quelques notes litigieuses. Blessures et forces anesthésiées jouent ensemble sur le piano brisé des plaintes sans fin où le Sol chante les joies perdues. 

 

Tapis velouté de La, serpentins lumineux de Do, un clavecin de salon se métamorphose en orgue de cathédrale. L’harmonie musicale ravive la nostalgie des soufflets et des soupirs anciens.  

 

Un opéra d’outre-tombe claironne quelques gouttes sucrées sur l’aphone récipient où repose une conscience lointaine. 

 

Dans le calme éclairé par la flamme d’un doux brasero, l’homme chahuté par des siècles de décombres aimerait s’épanouir à la bonté du monde, mais ses fébriles mobilités le confinent à ses propres limites. Aux confins des résistances, il s’évertue à parodier le martèlement des ombres chinoises qui le poursuivent.    

 

Obscurité dans la trouée du soleil, l’aube et le crépuscule s’ajoutent au zénith enflammé sur le silence prémonitoire. Voir au-delà de l’horizon conforte le calque éternel dormant sous mes paupières. L’envie de vivre sous les virgules échafaude l’envie de moi entre les mots. 

 

Un incendie de grumeaux et de sciures rassemble la plate-forme qui n’émeut plus aucune passerelle. Mon âme instable dans ce halo de fortune laisse crépiter le berceau de mon cœur.  

 

Il faut revenir de la déchirure

sans hâter son pas.

Détisser les rougeurs mélancoliques

de l’oxygène et de l’huile

sur la plume incandescente

et pourfendre les songes débardés.

Mon sang abreuve l’arbre des étoiles

et je suis suspendu comme un acrobate

aux filins de l’univers.

Un silex entre les dents

pour unique messager

de l’amas de sel séché

je récite la famine composée

par les mots sans langage.  

 

J’ai amassé puis dépassé la mousse d’émotions de la mouture sédentaire. Dix mille ans en une seconde, c’est le temps imparti pour se reconnaître. La mort qui me traverse depuis l’origine n’a toujours pas trouvé de prise. Mes rêves tissés de langages existentiels pèsent plus lourd qu’une simple douleur.   

 

Un temps suspendu aux contreforts de moi-même, j’ai dû céder à l’arythmie du sacrifice. L’enveloppe des sens est trop légère et ma vie trop chaotique pour que je parvienne à simuler les pirouettes endiablées de mes déficiences.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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