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Bruno ODILE
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Bruno ODILE
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8 novembre 2016

Ecriture aux crachoirs de nos glaires.

13510990_270269323333390_8809562036731976940_nEcriture ? Il y a trop de mots dans cette corbeille de fumée. De tout et de rien. Des phrases sans plus d’idées, des semences sans graines, des tubulures désossées, puis des sentences sans convictions et des expressions où la vie n’est plus. 

 

Je n’écris pas, je récite. Je ne parle plus, j’écris. Le mot ne cherche plus l’attrait prodigue de ses tonalités, il grimpe du vide pour venir sécher la langue. Non, je ne récite pas, je raconte. 

 

Je te dis une histoire, mon histoire. Mais ce n’est pas moi qui parle, c’est le parfum de vieilles tisanes refluant des crépuscules éteints. C’est le pinceau empâté de mélasses jaunies qui revient baver sa gouache épaisse. 

 

Il y a trop de mots masqués par l’anarchie de la tendresse pour que je parvienne vraiment à t’exprimer toute ma révolte et toute ma désillusion. 

 

Mes lèvres abasourdies susurrent un langage éperdu et complice. Puis, elles traînent quelques fagots défraîchis près de la cheminée afin de mieux brûler le temps qui passe.

 

L’âtre, même étincelant, reste un fade goutte-à-goutte. Le papier mâché demeure une pâte de cellulose que le feu fait disparaître. La toile est combustible et son tissu laisse entrevoir une page blanche avec de larges sillons éviscérés. 

 

Chaque main cherche dans l’écriture le reflet qui redore le « je » lâché en pâture aux regards convergents ou indifférents. 

 

Il y a bien longtemps que je n’écris plus pour les autres et je ne m’en rends compte qu’aujourd’hui. L’écriture est ma cuisine, ma bibliothèque, mon cirque de neige. C’est aussi cette nausée qu’il me faut extirper du fond de mon être pour avoir l’impression de me dévêtir de la fièvre qui m’assiège. 

 

Non, je n’écris pas, je lave ma mémoire,

j’épluche mes sens, je rafistole mes émotions.

Les mots, les mots, les mots…

Pas un ne saura jamais dire

la rumeur galopante à l’intérieur de mon être.

Pas un ne connaît avec exactitude

le silence bouillonnant comme une marmite sur le feu, le petit bruit de l’eau qui s’évapore.

Non, je n’écris pas, je me brûle les doigts. 

 

L’écriture est là pour grandir le souffle. Elle ouvre l’espace restée sur le qui-vive. Certains mots viennent frapper à ma porte, alors je les retourne à ton adresse comme des colis chargés d’émotions.

 

Je suis toujours seul avec la saignée du jour naissant qui se cogne à l’espace vide. Je brûle comme la dernière bûche restée dans l’âtre rougeoyant qui borde l’existence. 

 

Ce partage me décante comme une carafe entartrée et mes ruisseaux se couchent dans une carrière en flammes. 

 

Une boulette de mie de pain gronde au fond de ma gorge. Je la recrache aussitôt et je la confie aux hirondelles tournoyant dans mon ciel incendié. Quelquefois le feu remplace le soleil. Il émancipe le jaune brûlant des chaudes bouffées d’air. 

 

Un instant connecté à la dérive des mots,

j’écris le chant sculptural des marins perdus

dans la tempête éternelle

d’où personne ne revient.

J’écris le bruit de la foule

dans ce hall de gare brouillon

où perce le sifflement du train

que personne n’attend.

Les mots qui me viennent

ressemblent à des boulets de canon

défonçant mon esprit intoxiqué par la transparence. 

 

Toute l’incertitude dissimulée dans l’énigme du noir m’envahit. 

 

Il n’y a plus de pulpe ondoyante autour de la lune. L’écume singulière traverse l’océan obscur sur le dos des vagues. La détresse se joue de moi et je trébuche encore à l’orée du bois où l’amour se cache. La vérité s’impose comme une strate de liberté empirique. Enchevêtrée à la détermination, la doxa consacre l’acte au profit de ses lignes de fuite. 

 

Sur cette estrade sans spectacle, les mots à l’agonie se relèvent, se redressent comme des chardons en quête de soleil. Dans une symphonie étrange, ils dessinent des souffles glacés voyageant dans mes pensées et, par les trous noirs de l’esprit, ils chevauchent les évidences corrompues par la lumière. 

 

Tout est chiffonné.

Tout est en suspens dans le souffle.

Tout est un gribouillis d’évanescences,

de métamorphoses et d’écumes chauffées à blanc.

 

Une kyrielle d’images fantasques s’acharnent à briser les souvenirs les plus durs et dressent mon amour contre la mort. Toute ma liberté d’être se réfugie aux dernières limites du possible. 

 

A creuser la seconde perdue sur le fil du monde, j’ai fini par créer un espace indépendant, un lieu de mesure dématérialisé, une strate insonore où s’équilibrent les vibrations de l’instant avec toutes celles, universelles et invisibles, qui dorment dans la profondeur. 

 

A présent, j’ai cessé d’écrire, je tutoie l’apesanteur de l’insensibilité et j’écoute, aux portes de mes chambres à diapason, les frissons d’un cuivre en quête d’un accord compatible. 

 

- Bruno Odile -Tous droits réservés ©

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Commentaires
S
Cette écriture, un exutoire peut-être que tu offres à notre regard est aussi un cadeau du cœur, tu nous permets de pénétrer un peu dans ton âme tourmentée. Merci pour cela
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